Les années 1580 En France Le haut-de-chausses se
Les années 1580
En France
Le haut-de-chausses se porte très court durant toute la décennie 1580.
La première tendance identifiable est le phénomène d'aplatissement. Le haut-de-chausses des années 70 avait une découpe trapézoïdale avec un fond plat et des bords saillants (première figure à gauche ci-dessous). Celui des années 80 adopte une silhouette plus discrète. Il se rabat sur les hanches dont il semble presque épouser la forme. Son volume est aplati (figure ci-dessous à droite).
Ce phénomène d'aplatissement se remarque bien sur les costumes des scènes de bal peintes sous Henri III (images ci-dessous). Le haut-de-chausses paraît presque s'enrouler autour de la cuisse des gentilhommes.
Cette forme étroite et aplatie explique peut-être la nécessité qu'ont eue les hommes de porter sur les cuisses, des chausses longues et étroites, allant jusqu'au genou : les canons. La mode d'associer les deux vêtements n'est pas nouvelle mais elle semble se confirmer dans les années 80. Sur les images ci-dessous, les canons sont tailladés d'une multitude de petits crevés parallèles. C'est une réminiscence des années 1530 (voir le portrait de Charles Quint plus haut).
Le haut-de-chausses est si court que placé sur les hanches comme il est, il laisse le bas des fesses à découvert. Cela explique probablement l'appellation qu'on lui donne à cette époque : le culot 1.
Si le gentilhomme ne porte pas de canons (comme sur l'illustration à gauche), le bas fait apparaître de façon moulante les formes galbées des fesses.
Sur le devant, la proéminente braguette de l'ancienne mode a laissé la place à une coquille.
Le culot est indissociable de la silhouette générale du costume ; le haut-de-chausses s'encastre comme une pièce de puzzle sous le pourpoint qui déborde en pointe vers le bas de façon proéminente ; c'est le pourpoint à panseron. Resserré à la taille, mais boursouflé en pique sur le devant, le pourpoint donne au buste de l'homme une allure de guêpe que vient renforcer la forme tassée et étroite du haut-de-chausses.
Contrairement à ce que les scènes de bal peuvent laisser penser, ce n'est pas un habit réservé aux soirées dansantes, ni un costume de carnaval. L'image ci-contre peinte par le flamand Hieronymus Francken, émigré à Paris, montre ces mêmes gentilhommes en « habit du dimanche », dans un jardin d'agrément (ci-contre).
Avec le pourpoint à panseron, le culot entre dans cette catégorie de vêtements fantaisistes, dont le caractère stylé nous échappe aujourd'hui, mais qui, à l'époque, faisait la classe du gentilhomme élégant.
La même pièce apparaît sur les costumes sombres et austères imposés par Henri III à sa cour. Le roi avait fixé des règles très strictes en matière d'étiquette et les courtisans devaient s'y conformer sous peine d'amendes2. Le culot s'aperçoit sous la ceinture, tantôt sans canons, tantôt avec des canons (figures de gauche et de droite ci-dessous).
Cette mode est également adoptée par les gens du peuple. Vous en avez des exemples sur les illustrations ci-contre, avec un marchand parisien (à gauche) et un colporteur (à droite).
En Angleterre
On retrouve la même mode en Angleterre.
Les années 1590
En France
La principale évolution des années 1590 réside dans l'agrandissement des trousses. La mode revient à des tailles qui rappellent les tendances des années 1570-1575 (renouvellement cyclique de la mode).
Les trousses adoptent une ligne rectangulaire (par opposition à la forme ronde des années 1560, devenue complètement désuette). Cette nouvelle ligne s'explique par la platitude du haut-de-chausses qui n'est pas ou peu ballonné. Dans la continuité des années 1580, le culot reste relativement plat, ce qui le rend différent de celui porté avec les mêmes dimensions dans les années 1570.
Les trousses apparaissent souvent sous une forme souple et bouffante.
Portraits d'Henri de Guise (portrait posthume des années 1590 ?) et portrait d'Henri IV vers 1600
Le premier porte des trousses en tissu souple et bouffant ; le second est habillé de façon plus solennelle et porte des trousses formées de plusieurs bandes resserrées.
En Angleterre
La mode anglaise n'étant pas très différente de la mode française, l'observation des portraits anglais s'avère très utile pour saisir les différentes facettes du haut-de-chausses français. Comme en France, les trousses ont tendance à se présenter sous une forme bouffante, mais ce que revèle particulièrement bien le portrait anglais, c'est qu'elles se portent souvent par-dessus des canons (sortes de bas qui recouvrent les cuisses). C'est une constante sur les portraits anglais, mais c'est une mode que l'on le retrouve également en France.
La suite de portraits présentée ci-dessous montrent l'agrandissement des chausses au fil des années et comme en France, elles gardent une forme rectangulaire.
Il existe également un type de haut-de-chausses particulier, couvrant d'un seul tenant le haut des cuisses, y compris au niveau de l'enfourchure. Ce serait ce qu'on appelle le boulevard (ou boulevart), autrement dit la pièce qui fait tout le tour du bassin sans interruption.
Le boulevard trouve peut-être son origine dans l'habillement militaire. On le voit sur les portraits représentants des jouteurs (image ci-contre) et il est mentionné pour cette fonction au XVe siècle.
Sa taille et sa forme suivent la mode des années 1590 : allongement sur les cuisses et mise en forme rectangulaire(exemple d'évolution avec les deux portraits ci-dessous).
En Europe espagnole
Ce sont dans les pays sous influence espagnole que se perçoit le mieux l'allongement de la forme des trousses. Cette tendance va se développer partout en Europe dans les années 1600, preuve semble t-il du maintien de l'influence de l'Espagne sur la mode.
Notes
1. Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du 16e siècle, 1934.
2. Jacqueline BOUCHER, Société et mentalités autour de Henri III, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque littéraire de la Renaissance », 2007. Et sur l'étiquette à la cour de France, voir également Monique CHATENET.