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Le costume historique
12 novembre 2019

Col et rabat - XVIIe siècle - Partie 2

Les années 1650

 

En France

 

La mode du col étroit atteint son apogée au milieu du siècle. Face au souvenir des grands rabats de dentelle, elle s'impose pendant plusieurs années entre 1648 et 1652 environ (illustration ci-dessous de portraits peints vers 1650).

Rabat-1650v3

Il était logique qu'une fois atteint son faîte, la tendance bascula dans l'effet inverse. Dans le courant des années 1650, elle passe d'une dynamique de rétraction, à un mouvement d'extension. Le rabat s'étend de nouveau vers les épaules. Quand le basculement s'opère vers 1652-1653, vingt ans se sont écoulés depuis le naissance du grand rabat. Ici encore, il s'agit d'une réminescence cyclique.

gaston_orleans_v6Le rabat refait donc son apparition mais celui des années cinquante possède au moins deux caractéristiques qui permettent de le distinguer de celui des années trente. 

Premièrement, le rabat ne présente plus de dents pointues ou de bords lobés ; à peine le bord est-il arrondi, mais avec le temps, la coupe finit par devenir droite (images ci-contre, juxtaposition de deux portraits de Gaston d'Orléans, sans date, dont le deuxième est réactualisé et mis à la mode du jour).

Deuxièmement, le développement du rabat se fait autant sur la poitrine que sur les épaules. Contrairement au rabat des années 1630, celui des années 1650 présente une silhouette qui n'est pas ou peu rectangulaire mais plutôt carrée.

Les trois galeries de portraits ci-dessous illustrent l'extention progressive du rabat dans les années 1650. Vers 1652-1655, les bords du rabat reposent à plat sur les clavicules (première ligne de portraits). Dans les années 1655-1658, sa taille double de volume (deuxième ligne de portraits). Dans les dernières années de la décennie, vers 1658-1660, il finit par s'étaler sur toute la longueur des épaules et à taille égale, sur le haut de la poitrine (troisième ligne de portraits).

France, 1650-1655

 

France_1655-1658France, 1657-1660

Ce mouvement d'extension se vérifie dans le col de linge blanc que portent les hommes de robe et de science (galeries de portraits ci-dessous).

rabat_blanc_1650-1655dfdf

rabat_blanc_1655-1659

 

 

 Aux Provinces-Unies

 

Le mouvement d'extension du rabat se distingue aux Pays-Bas par une ligne encore très horizontale. Le rabat s'étend moins sur la poitrine que vers les épaules. 

Au début de la décennie, le col se présente étroit et rabattu contre le cou (première ligne de portraits ci-dessous). A partir des années 1653-1654, il commence à s'étaler sur les épaules, doublant les dimensions de sa surface (deuxième ligne de portraits ci-dessous). Au milieu des années 1650, il continue de s'étendre horizontalement, tout en avançant sur la poitrine lui conférant une ligne bien particulière qui le distingue du rabat des années 1640 (troisième ligne de portraits ci-dessous). De 1655 à 1659, il s'étend à raison de un à deux centimètres par an (quatrième et cinquième ligne de portraits ci-dessous), dans une forme qui atteint son apogée autour de 1660.

Pays-Bas circa 1650

 

 

Pays-Bas, circa 1653-1654

Pays-Bas, circa 1655Pays-Bas, circa 1656-1657

 

Pays-Bas, circa 1658-1659

 

 

Les années 1660

 

 En France

 

Les années soixante constituent l'apogée du rabat du point de vue de la taille et son point d'orgue en tant que tendance. Comme pour les années 1650, l'évolution de la forme est rapide, et présente chaque année un aspect différent. Son évolution se tient à deux caratéristiques : son passage à une forme verticale et dans la seconde moitié de la décennie, son rétrécissement en taille.

Nobles

France, circa 1661-1664

France, circa 1660-1665

 

 

 

France, circa 1665

 

France, circa 1664-1667

 

Magistrats et officiers de justice

Le rabat s'étend sur la poitrine de façon plus sobre et en décalage temporel avec la mode nobiliaire. La seconde moitié de la décennie est marquée par la ligne verticale (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Magistrat 1660-1665Magistrat 1665-1670

 Hommes de lettres et de sciences

Sont concernés des professeurs, des précepteurs, des astronomes, des mathématiciens, ou des gens de lettres. Les portraits sont rangés selon un ordre qui permet de faire émerger la suite évolutive de la ligne. Ce classement se fait independemment de l'ordre chronologique des portraits qui ne sont pas datés pour la plupart.

Hommes de Lettres 1660-1665Hommes de Lettres circa 1665Hommes de Lettres 1665-1670

Officiers militaires (France-Pays-Bas espagnols circa 1655-1665)

Si la cravate est l'accessoire emblématique de l'habillement militaire, le rabat continue d'être porté dans l'armée. Sa ligne suit l'évolution de la tendance, mais contrairement aux officiers de la grande aristocratie, il est représenté à plat. Ici aussi, les portraits sont rangés dans un ordre qui suit la chronologie de la tendance (par la ligne de leur rabat, les deux premiers portraits appartiennent à la mode de la deuxième moitié des années 1650).

 Officiers militaires, circa 1655-1665

Hommes d'Église 

Les hommes de Dieu ne portent pas de rabat aussi développé que celui des grands magistrats. Leur taille est beaucoup plus modeste (du moins tels qu'ils sont globalement représentés en portrait, certains arborant un rabat plus mondain que d'autres). A cause de la diversité du paysage clérical catholique, une grande variété de formes coexistent. Celle qui nous intéresse dans cet article est celle affichée par les prélats français. Sous l'influence de la mode, leur rabat suit la tendance à l'allongement sur la potirine et adopte cette particularité de la silhouette en pointe qui caractérise le milieu de la décennie. A la fin des années 1660, son développement se stabilise dans une forme rectangulaire qui est appelée à durer.

Prélats 1660-1669

 

 

Aux Provinces-Unies

 

L'accroissement spectaculaire de la production de portraits qui caractérise l'art hollandais au milieu du siècle permet de suivre la tendance à l'année près et d'observer son acmé autour de l'année 1662 (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Au commencement de la décennie, le rabat a encore une ligne très horizontale (première ligne de portraits ci-dessous), puis, dans le courant des années 1663 à 1665, il se réduit en largeur et adopte une ligne verticale (troisième ligne de portraits ci-dessous). Le tournant s'opère vers 1661-1662 quand le rabat recouvre les épaules et la poitrine à égale distance. Il a alors atteint son acmé.

Le rabat se présente tantôt plat, tantôt en jabot dans une forme ondulée qui forme comme deux tuyaux au milieu de la poitrine. Cet effet en jabot est amplifié par le passage du rabat en ligne verticale. Cet étalement sur la poitrine atteint son apogée vers 1665. Dans la seconde moitié de la décennie, le rabat ne repose plus sur les épaules. Il continue de se réduire, d'abord en largeur, puis en hauteur. A la fin de la décennie, il est presque aussi court que la cravate (cinquième ligne de portraits ci-dessous).

Pays-Bas, 1659-1660

Pays-Bas, 1661-1662

Pays-Bas, 1663-1665

Pays-bas, 1666-1667

Pays-Bas, 1668-1669

Le rabat blanc présente la même évolution : passage d'un format horizontal à un format vertical, passage d'un grand format couvrant une grande partie du buste à un petit format.

Rabat-blanc_1663-1665Rabat-blanc_1665-1669

 

 

Les années 1670

 

Durant les années 1660, le col est progressivement remplacé par la cravate. Le rabat est désormais relégué aux habits de fonction des ministres, magistrats et hommes d'église.

annees_1670

 

Les années 1680

 

Cravate 1680

 

 

Épilogue

 

Abandonné par la mode courante, le rabat devient un attribut professionnel. A la fin du Grand siècle, il continue d'être porté par les hommes de loi, magistrats et avocats. Dans le milieu des grands officiers, il adopte une forme standard qui demeure fixe pendant plusieurs décennies (première ligne de portraits ci-dessous). Sa taille ostentatoire permet de le distinguer de celui plus sobre des prêtres.

Le rabat demeure la pièce centrale du costume des hommes de loi pendant tout le XVIIIe siècle (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Magitrats français

Magistrat 1690-1710Magistrat 18e siècle

 

 

 

 

 

 

Prêtres français

Pretres 18e siècle

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12 novembre 2019

Col et rabat - XVIIe siècle - Partie 1

 

Les années 1600

 

En France

 

Au commencement du Grand siècle, le col rabattu se présente plié à l'arrière du cou, mais déplié à l'avant, les pointes écartées. Cette mode née dans les années 1580 est à l'origine du développement du rabat au XVIIe siècle.

La galerie de portraits présentée ci-dessous illustre ce développement progressif qui caractérise la fin du XVIe siècle. Ce sont des portraits peints à la fin des années 90 ou approximativement vers 1600. A la quatrième image, le col présente les formes empesées caractéristiques de la première décennie du XVIIe siècle. Empesé signifie que le col a été traité à l'empois, une colle à base d'amidon. Ce traitement qui rigidifie le tissu, permet au col de ne pas s'avachir. Empesé, il conserve sa forme. 

Portraits circa 1600

 

La tendance dominante de cette époque est le déploiement en pointe sur les côtés et en conséquence l'extension du rabat au-dessus des épaules. Comme le col reste plié à l'arrière de la tête, il a cette silhouette géométrique particulière, d'aspect très pyramidal.

Galerie_1602Les trois premiers portraits ci-contre à gauche sont datés de 1602. Ceux de la galerie en-dessous sont respectivement datés de 1603 et 1604. Ils montrent l'évolution du col vers la forme d'une pyramide aux arrêtes presque droites.

galerie_1603-04

Plié au-dessus des épaules, le col empesé a une forme à trois dimensions, celle d'un tétraèdre au sommet duquel trône la tête.

circa_1603L'usage de la dentelle s'observe surtout chez les nobles (comme sur le portrait ci-contre à droite, représentant le jeune prince de Condé).

A la fin de la première moitié de la décennie, le col recouvre une bonne partie des épaules, mais sans être posé à plat. Ses bords ne font que les effleurer.

La galerie de portraits ci-contre présente les deux façons de présenter le rabat, soit tombant et relaché, soit monté et raide.

 

Puy d'Amiens de 1603Pour une étude typologique des formes du col, je vous invite à découvrir au musée de Picardie à Amiens, la série de tableaux appelés puys, offrant un ensemble de portraits représentant essentiellement des hommes et des femmes de la bourgeoisie (ci-dessous)

Puy d'Amiens de 1601A travers trois tableaux, respectivement datés de 1601, 1603 et 1605, on saisit les différentes formes du col et leur évolution dans le temps. L'étude de cette iconographie est essentielle pour contrebalancer l'approche évolutionniste qui particularise ma démarche sur ce blog.

 

 ***

Au milieu de la décennie, le col apparaît désormais en apesanteur. Il se soulève des épaules qu'il laisse apparaître. C'est le collet monté, un col empesé monté sur une armature métallique. C'est la principale nouveauté et caractéristique des années 1600 : le col est suspendu.

Galerie 1605-1610En se soulevant, le col poursuit son extension au-dessus des épaules. Il s'ouvre comme les pétales d'une fleur. Par ailleurs, il continue de se déployer en pointe. A la cour, cet aspect pointu lui donne un aspect triangulaire.

Cette silhouette triangulaire est très caractéristique de la tendance des années 1609-1610 environ. On la retrouve sur les derniers portraits du dauphin Louis (images ci-dessous à droite, représentant le dauphin avant sa montée sur le trône en 1610 à l'age de neuf ans)

Galerie 1607-1609Cette disposition en pointe se retrouve sur les gravures de l'entrée ducale d'Henri II à Nancy en 1610 (L'ordre tenu au marcher parmy la ville de Nancy capitale de Lorraine à l'entrée en icelle du serenissime prince Henry II). La gravure représentant la noblesse à cheval, offre toute une série de points de vue du collet monté, selon la position du cavalier (de face, de profil, de trois-quarts) (image ci-dessous).

Entrée ducale de 1610

Dans le cercle robin et intellectuel, moins assujetti aux vanités de la mode, les hommes portent un collet plus sobre (images ci-dessous).

Portraits de robins, 1605-1610Son style est en décalage de quelques années avec celui de la mode curiale, car sa forme ne présente pas cet aspect triangulaire vu précédemment. C'est plutôt celle des cols empesés du début de la décennie, conjugué à la forme aérienne propre aux années 1600.

religieux_c1610Evidemment, pour les plus modestes et les plus réfractaires à la mode, il y a toujours la possibilité de porter un col blanc à petit rabat, comme celui porté ordinairement par les prêtres (illustrations d'hommes d'Eglise ci-contre) ; et pour les plus austères, de ne rien porter.  

 

 

 

 

 

En Europe du Nord

 

En Angleterre, le col présente des formes moins empesées qu'en France. Le linge est plus librement disposé. Au début de la décennie, le col est posé à plat sur les épaules, quand celui de la mode française est disposé en tétraèdre.

Portraits anglais 1603-1605

Le passage à une forme montée est très bien illustré par les portraits du roi Jacques Ier d'Angleterre juxtaposés ci-dessous. Il s'agit de deux portraits présentés chacun en deux versions différentes ; que ce soit le modèle de gauche ou celui de droite, l'évolution est la même : le rabat devient suspendu.

Portraits de Jacques Ier

C'est avec cette forme de rabat que Crispin de Passe a représenté les comploteurs de la conspiration des poudres. Le point de vue de dos permet de voir la pliure du col à l'arrière de la tête.

La conspiration des poudres

 

 

 

 

 

 

 

 

Peter Paul Rubens, 1609Dans les pays du nord de l'Europe, comme aux Pays-Bas, la collet monté ne semble pas prédominant à l'inverse de la France. La mode existe, mais on lui préfère la fraise.

Dans son autoportrait Sous la tonnelle de chèvrefeuille, réalisé en 1609, le peintre Rubens se représente avec son épouse dans un cadre champêtre (extrait ci-contre à gauche). C'est le portrait souvenir de leur mariage. La pose est décontractée, et à l'image de cette atmosphère détendue, le rabat du peintre retombe librement sur les épaules. Son collet n'est pas monté. 

Portraits Europe du Nord 1605-1610

 

 

 

Les années 1610

 

 

En France

 

Anonyme, French schoolLe collet monté des années 1610 a la forme d'un plateau semi-circulaire légèrement convexe.

Le col est toujours suspendu mais il n'est plus plié à l'arrière de la tête. Il s'aplatit, se tend et adopte le contour d'un demi-cercle. Cette évolution lui fait perdre l'aspect pointu et triangulaire qu'il avait dans la tendance précédente.

Ce développement s'effectue de façon progressive, car dans les premières années de la décennie, le col garde encore sa forme de corolle évasée.

Daniel Dumonstier, Portraits d'hommes, 1610-1612 Le portrait de Guillaume de l'Aubéspine (ci-contre à droite) dessiné en 1612 par Daniel Dumonstier, présente  un col ballant, dont les bords retombent légèrement inclinés vers le bas.

Le col tend à s'aplatir mais durant toute la période de la régence de Marie de Médicis (1610 à 1614), sa forme reste encore légèrement convexe (images ci-dessous).

Collet monté vers 1615-1620

 

 

 

 

 

Le passage du collet à une forme rigide et plate se fait dans le courant de la décennie. Les trois portraits du roi Louis XIII (ci-dessous) permettent de saisir l'évolution de la tendance : le collet monté présente d'abord un col évasé, de forme convexe (vers 1610), puis, se présente comme un plateau rigide (vers 1615-1616), et enfin, ce plateau paraît s'affaisser légèrement en formant deux sortes d'ailes (vers 1618-1620 ?).

Louis XIII années 1610

 Gentilhomme français vers 1615-1620

Le  collet monté sous forme de plateau rigide est la deuxième tendance à retenir pour les années 1610. Est-ce cette forme semi-circulaire qui explique qu'on lui ait donné le nom de rotonde ? (portrait ci-contre)

On peut penser que cette tendance finit par s'imposer dans la deuxième moitié de la décennie. En témoignent les deux portraits ci-dessous à droite, qui sont datés de l'année 1618.

Collet monté plat 1610-1618

Le déploiement du col rabattu se remarque également chez les portraits des hommes de robe. Mais contrairement aux gentilshommes de la cour, le rabat des hommes de loi se porte faiblement plié et déployé plus simplement.

Le col chez les robins

 

 

En Angleterre

 

En Angleterre, la rotonde s'impose également dans les portraits des années 1615-1620 (troisième ligne de portraits ci-dessous). Au début de la décennie, la collet monté reste plié à l'arrière de la tête ou présente une forme simplement convexe (première ligne de portraits ci-dessous). Les portraits du roi Jacques Ier montre ce passage d'une ligne convexe à une forme plus raide (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Portraits anglais circa 1610-1612

Le roi Jacques Ier

Angleterre 1615-1618

Collet anglais 1613Le collet monté peut prendre des dispositions luxuriantes très osées. Sur les deux portraits anglais ci-contre, la rotonde est bordée de dents en dentelle en forme de languette de grande taille et pointue.

 

 

 

 

Aux Provinces-Unies

 

Aux Pays-Bas, l'on retrouve les mêmes tendances, même si la fraise prédomine encore largement. Les illustrations présentées ci-dessous appartiennent à une série de portraits d'officiers réalisés par Van Ravesteyn et conservés au Mauritshuis à la Haye. Ils répondent à une commande du prince d'Orange, ce qui explique leur homogénéité (cadragre, décor, posture et habit). Les portraits ont principalement été peints vers 1611-1612. Ils donnent un état des différents modèles de cols existant à un instant T. Je n'en présente que quatre mais le Mauritshuis en conserve plus d'une vingtaine (voir sur Wikimedia). Si la forme dominante est celle du collet monté, de nombreuses différences apparaissent au niveau de l'ornementation de la dentelle,  du degré de pliage, et de la taille du rabat. Cette présentation permet de montrer que l'étude du vêtement ne saurait se réduire à suivre l'évolution de la tendance dans le temps ; pour chaque époque, la mode se décline selon des critères sociaux-culturels multiples. Ici, la forme du col répond à un stéréotype facilement caricatural : c'est l'officier le plus jeune qui porte le col le plus ostentatoire, tandis que l'officier le plus âgé porte le col le plus sobre...
Portraits d'officiers hollandais circa 1611-1612

 

 

 

 

 

 

Les années 1620

 

 

1 - Le grand col en plateau

 

Le collet monté dans sa forme de plateau connaît son apogée dans les années vingt.

Dans le milieu curial, c'est une mode exubérante qui présente des plateaux qui font la largeur des épaules. Sa taille et la richesse de sa dentelle témoignent du degré de noblesse de son porteur et de son rang à la cour. Les quatre portraits ci-dessous sont des seigneurs de la haute noblesse française (Guise, Montmorency, Nevers, Soissons). Cette tendance se rencontre également en Angleterre et les cours d'Europe, mais on peut se demander si cette exubérance n'est pas propre à la France. Sur les portraits étrangers, les rotondes sont moins présentes et moins ostentatoires, y compris en Angleterre où la fraise à la confusion prédomine largement.

Portraits de princes français années 1620

 Le duc de BuckinghamCes deux portraits du duc de Buckingham réalisés à une date peu éloignée montrent deux styles différents de porter le collet monté. Le premier est un portrait d'apparat qui présente un grand plateau riche en dentelle ; c'est le collet monté que portent les riches seigneurs de la cour à l'occasion des cérémonies officielles. Le second portrait présente un collet plus sobre par sa taille et sa dentelle ; c'est le collet monté porté au quotidien.

Hommes d'EgliseLa rotonde n'est pas réservée à la noblesse d'épée. C'est une mode également portée par les gens de robe, hommes de loi ou d'Eglise. Le style est évidemment plus sobre, généralement sans dentelle (ci-contre portrait de l'archevêque de Paris Jean-François de Gondi, du cardinal de Guise et du cardinal de Richelieu).

Cette mode du collet monté se porte encore à la fin de la décennie. On le trouve encore représenté sur les gravures de « mode » éditées vers 1628-1629 (Couple d'elegants habillés à la mode de France par Jean Picart, 1628 et La noblesse française à l'église par Abraham Bosse, 1629).

L'essentiel de son évolution réside dans son abattement. Les deux ailes latérales s'affaissent (illustrations ci-dessous).

 col tombant

 

 

 

 

 

 

2 - Le petit rabat empesé

 

Pendant que s'achève la mode du collet monté en plateau, une nouvelle tendance fait son apparition : le petit rabat empesé.

Clese_rabutin_Bussy-RabutinA première vue, c'est une mode qui ne présente rien d'original ; probablement lassés des extravagances de la rotonde, les gentilshommes de la cour reviennent à un type de col beaucoup plus sobre, mais également à la connotation plus militaire.

Cette forme est une réminescence du collet porté vers 1600. Sa forme paraît moins pyramidale, car l'amplitude de l'angle de pliage est quasi identique à l'avant et à l'arrière du col (portrait ci-contre d'un gentilhomme français habillé en tenue militaire vers 1625).

Il s'agit d'un rabat empesé, c'est le traitement du tissu à l'empois qui permet à la pièce de retomber de façon raide au-dessus des épaules. Le rabat n'épouse pas la forme du cou, mais survole les clavicules.

Sir Thomas Meautys en 1626Cette tendance trouve peut-être son origine en Europe du Nord. C'est le type de rabat que l'on rencontre souvent sur les portraits des chefs militaires aux Pays-Bas ou en Allemagne (galerie de portraits ci-dessous). Le vêtement est plus commode à porter sur le champs de bataille.

L'Europe du Nord a également connu la rotonde (dans des dimensions raisonnables) mais dans le courant des années 1620, les bords du rabat s'affaissent. La galerie de portraits ci-dessous l'illustre : le premier portrait représente Ernst von Mansfeld, commandant illustre de la guerre de Trente ans, peint pendant son séjour à Londres en 1624. Les autres portraits sont datables de la seconde moitié de la décennie.

Chefs militaires d'Europe du Nord Années 1620

Col

A fin de la décennie, ce petit col en dentelle se transforme. Il s'agrandit, au point que les dents qui le bordent touchent les épaules. Il garde son effet aérien, car il n'épouse par la forme du pourpoint qu'il ne fait qu'éffleurer. Il reste un collet empesé.

Peu à peu, il s'étale, donnant naissance au grand col rabattu. En un temps très rapide, il va devenir ce grand rabat de dentelle si caractéristique du costume masculin de l'époque dit Louis XIII.

La transition s'effectue dans les années 1628-1630. Le rabat prend d'abord une silhouette carrée (1629)

La noblesse à l'église - 1629

 

 

 

 

 

 

Les portraits anglais présentent toujours un col au tissu relâché, faiblement ou pas empesé (ci-dessous).

Angleterre 1628-1630

 

 

 

 Les années 1630

 

 

En France

 

Exemple de rabat (1632)

Le grand col de dentelle est emblématique du règne de Louis XIII. Il n'existe pourtant que dans la troisième et dernière partie de son règne (1630-1643), celle des années les plus glorieuses. Hasard des dates, son usage colle parfaitement avec les limites de la décennie. De 1630 à 1640, le col rabattu s'étale sur toute la longueur les épaules et n'en bougera pas.

Le grand rabat de dentelle ne reste pourtant pas une mode figée. Pendant ses dix années de règne, il présente différentes tendances, qui se distinguent par les formes et le nombre des dents qui le bordent, ou bien par les formes et la disposition des motifs de dentelle.

France, circa 1630-1635

France, circa 1635-1639

France, circa 1630-1639

 

 

 

 Aux Provinces-Unies

 

Aux Pays-Bas, la mode des années 1630 est également marquée par la prédominance du rabat. Bien qu'aux Pays-Bas, la fraise à la confusion ait connu un grand engouement, elle finit par s'effacer au profil de ce dernier.

Cette évolution peut s'observer sur les portraits des édiles. Les deux tableaux présentés ci-dessous en constituent un exemple ; ils ont été peints à trois années d'intervalle. Sur le tableau de 1633, seuls 2 hommes sur 7 portent un rabat (et, un seul seulement porte le grand rabat en dentelle). Sur le tableau de 1636, c'est l'inverse, seuls 3 hommes sur 15 portent la fraise. La juxtaposition des deux images permettrait ainsi de situer aproximativement au milieu des années 1630, le mouvement de bascule où la mode du rabat supplante celle de la fraise. Il reste à vérifier si cette illustration peut être généralisée et si elle s'applique aussi bien en dehors du milieu politique. 

 1633-1636_Pays-Bas

La comparaison des deux tableaux permet également de relever les deux principales tendances formelles de cette époque : la première est l'extension du rabat au-dessus des épaules et la seconde est le retrait de la dentelle qui est releguée aux bords et dents du rabat.

Tendance 1 : extension et rétraction

L'extension se constate dès le commencement de la décennie. Elle est progressive et atteint son apothéose au milieu de la décennie. Entre 1635 et 1637, le rabat est si large qu'il dépasse des épaules et s'affaisse sur le partie supérieure des bras (4e ligne de portraits ci-dessous). A partir de 1637 environ, la tendance s'inverse ; le rabat connaît un reflux progressif. Dans les trois dernières années de la décennie, il se réduit en largeur mais sans pour autant revenir à la taille qui était celle de l'année 1630 (5e ligne de portraits).

Provinces-Unies_1630-1632Provinces-Unies_1632-1634Provinces-Unies_circa_1635Provinces-Unies_1636-1637Provinces-Unies_1637-1639

Tendance 2 : Épanouissement et retrait de la dentelle

Le deuxième effet de mode visible concerne l'utilisation de la dentelle. Après une période d'excès où la dentelle recouvre les trois quarts de sa surface (2e et 3e lignes de portraits ci-dessus), la tendance revient à un style plus sobre. Dans la seconde moitié de la décennie, la dentelle est releguée aux rebords du rabat (4e et 5e lignes de portraits ci-dessus). Aux années luxuriantes, succède une ornementation relativement plus mesurée où les tombants du rabat se présentent sans dentelle.


1630-1640 Cette disposition apparaît plus rarement sur les peintures du début de la décennie ; ce qui signifie pas qu'elle n'était pas portée : il en est un exemple avec le portrait de cet officier militaire (premier portrait ci-contre, daté de 1631). La juxtaposition des trois portraits montrent l'évolution de la forme.

En revanche, les portraits de la seconde moitié des années 1630 présentent presque exclusivement ce retrait de l'ornementation ; c-dessous, dans une forme très épurée : 

Provinces-Unies_1635-1639

En parallèle, le rabat blanc sans rebords et sans dentelle se porte durant toute la décennie. Il n'y a que sa taille qui permet de le dater approximativement.

Provinces-Unies_rabat_blanc

 

 

Les années 1640

 

 En France

 

Modèle en dentelle

Au début des années 40, la taille du rabat se raccourcit, laissant les épaules à découvert. Le grand col de dentelle tombe en désuétude. Au fil des années, il se rétrécit au point de revenir à la taille d'un simple petit col rabattu sur le cou. Ces évolutions se retrouvent assez bien résumées sur ces portraits successifs du duc Charles-Emmanuel II de Savoie (1634-1675), cousin de Louis XIV (galerie d'images ci-dessous).

Charles-Emmanuel II de Savoie de 1640 à 1650.

 

Homme attribué à Eustache Lesueur, vers 1640

Le point de départ de cette mode est le relâchement du rabat au-dessus de la poitrine (image ci-contre : portrait d'homme attribué à Eustache Lesueur, musée du Louvre). Il présente un pli sous une forme d'ondulation qui contraste avec le rabat lourdement empesé et applati qui prévalait dans la mode précédente. Ici encore, c'est l'effet de négligence qui dicte la tendance.

Cet effet se remarque sur les portraits français dès la fin des années trente (le portrait peint par Eustache Lesueur ci-contre est peut-être un tableau peint à la fin des années 30).

 

 

 

Une autre tendance marque le début des années 1640, c'est celle du raccourcissement du rabat dans sa longueur. En se retirant des épaules et en s'avançant sur la poitrine, le rabat adopte une ligne carrée (galerie d'images ci-dessous).

Le rabat vers 1640

Louis XIV vers 1643Dans le deuxième quart de la décennie, la rabat de dentelle continue de se réduire. Ce rétrécissement peut se mesurer au nombre de dents lobés qui ornent le rebord ; le rabat passe ainsi de huit à six dents sur le devant de la poitrine. C'est la forme que porte Louis XIV sur un portrait où il est encore revêtu de sa robe d'enfant, soit vers 1643 (image ci-contre : extrait d'Anne d'Autriche, reine de France et ses enfants, Château de Versailles).

C'est aussi le rabat porté par les grands officiers de la Couronne à la fin du règne de Louis XIII (galerie d'images ci-dessous : portraits de Lesdiguières, Cinq-Mars, Tréville, Longueville). Au commencement du règne de Louis XIV, le grand rabat de dentelle a disparu des portraits de cour.

Le rabat vers 1642-1644

 

Le luthier par CossiersL'une des caractéristiques du rabat de cette époque est la forme lobée des dents qui le bordent. La tendance des bords très découpés avec des dents en arc outrepassé cède définitivement la place à un style beaucoup plus sobre, fait de lobes arrondis (image ci-contre à droite : portrait d'un luthier par le peintre flamand Jean Cossiers)

Beaufort vers 1645-1649Au fur et à mesure du temps, la délimitation des lobes est de plus en plus discrète. C'est la conséquence du raccourcissement du rabat qui limite le développement des saillies décoratives (image ci-contre à gauche : portrait du duc de Beaufort par Nocret avant 1649, musée des beaux-arts de Baltimore).

Dans la deuxième moitié de la décennie, le rabat passe de six à quatre dents sur le devant de la poitrine (galerie d'images ci-dessous).

Le rabat vers 1646-1650

annee_1648_1650

 

 Le modèle sans dentelle. 

Le rabat sans dentelle présente une évolution plus compliquée à saisir, car en se réduisant il rejoint les formes simples qui habillent les personnes qui ne suivent pas la mode. Il suffit de voir les scènes de genre peintes par les frères Le Nain pour se rendre compte de la pluralité des modèles.

Son évolution est comme pour le modèle en dentelle : retrait des épaules, avancée au-dessus de la poitrine, effet d'ondulation, puis réduction générale (galerie de portraits ci-dessous).

Année_1640_col_blanc

N_Hals_Descartes_Louvre_MRNC'est de cette tendance que naît dans le courant de la décennie une forme rectangulaire très caractéristique  ; en se réduisant uniquement sur les cotés, le rabat présente une forme allongée non plus aligné sur les épaules mais perpendiculaire à elles, pendu au-dessus de la poitrine (galerie de portraits ci-dessous).

C'est ce qui aboutit au modèle porté par le fameux portrait de René Descartes peint d'après Frans Hals vers 1649 et aujourd'hui conservé au musée du Louvre (image ci-contre).

Année_1640_col_blanc

Parallèlement à cette mode, il existe pour les notables un modèle plus conventionnel présentant un tissu empesé de façon si rigide qu'il ne présente pas - ou peu - cet effet d'ondulation sur la poitrine. C'est le rabat à la fois sobre et distingué que portent les hommes de loi. En se raccourcissant, il a cette forme classique presque intemporelle qui rend difficile la datation par l'habit des portraits l'arborant.

années40_colblanc_loi

ediles_1643-1648L'étude des portraits des édiles (échevins de Paris, consuls de Narbonne, capitouls de Toulouse) montre que ce modèle suit la tendance à sa façon et que pour les années 1640, il se réduit également au point de revenir au petit col blanc.

 

 

 

 

Aux Provinces-Unies

 

1640-1642En 1640, la ligne du rabat présente deux axes de déplacement. Le premier concerne le retrait des épaules et le second, son allongement sur la poitrine : le rabat se réduit en longueur en même temps, qu'il s'avance en largeur. Cette combinaison lui donne une ligne carrée qu'il va conserver pendant toute la première moitié de la décennie.

Cet effet est très marqué sur les portraits peints vers 1640-1642 (galerie de portraits ci-contre).

Parallèlement, le rabat continue son rétrécissement amorcé vers 1636-1638. Il se réduit progressivement d'un à deux centimètre par an environ. Les premières lignes de portraits ci-dessous illustrent cette évolution. Dans la seconde moitié de la décennie, le rabat se réduit à quelques centimètres de largeur.

Au sein de cette tendance, le rabat se présente soit de façon empesée et raide (comme sur nombre de portraits de Frédéric-Henri prince d'Orange), soit de façon souple et relachée (comme la grande majorité des portraits ci-dessous).

 Provinces-Unies, 1640-1645 ligne 1Provinces-Unies, 1642-1643 ligne 2Provinces-Unies, 1642-1643, ligne 3Provinces-Unies, circa 1647, ligne 4Provinces-Unies, circa 1648, ligne 5Provinces-Unies, 1648-1649, ligne 6

 

On trouvera la même évolution pour le rabat sans dentelle :

Provinces-Unies, 1642-1643Provinces-Unies, 1645-1647Provinces-Unies, 1649

 

 

 

 

 

 

Le costume historique
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