Les années 1540
La mode masculine des années 1540 est marquée par la mise en valeur du haut-de-chausses. La jupe masculine (la saie) est raccourcie. La tendance de l'époque l'a progressivement rendu désuète. Le lourd manteau ne tombe plus en-dessous des genoux et les basques du collet (partie inférieure située sous la ceinture) sont raccourcies. Au niveau inférieur de l'habit, l'attention se porte désormais sur le haut-de-chausses.
S'il existe une variété importante de haut-de-chausses du point de vue de la composition formelle, celui qui prédomine sur les portraits est celui constitué de bandes verticales et d'une étoffe bouffante qui le rembourre de l'intérieur. Les bandes sont relâchées, permettant à la précieuse et délicate étoffe d'être exhibée à travers les larges ouvertures laissées entre les bandes (image ci-contre : Anonyme italien, Portrait d'Alessandro Alberti et de son page, détail, c. 1545, National Gallery of Art).
L'exhibition de l'étoffe à travers les bandes est ce qui caractérise les années 1540.
Les années 1550
Au milieu du siècle, la mode masculine est marquée par la mise à nue des cuisses. Le haut-de-chausses se présente très court et laisse à découvert une très grande partie des membres inférieurs. La tendance se constate sur les portraits des années 1540, mais prédomine au milieu du siècle. Le haut-de-chausses devient sobre, tant par sa taille que par sa composition. Par opposition à la mode précédent, l'étoffe intérieure se fait plus discrète.
Dans cette recherche, la mode semble abandonner le style exubérant des hauts-de-chausses composites, à bandes mutilples et à sens variées.
La silhouette générale est allongée. L'ensemble, jambe et cuisse mises à nue et l'abaissement de la ceinture qui allonge le torse contribue à cette ligne verticale que vient contrebalancer le manteau.
Cette ligne est partagée par les grandes cours européennes. Elle habille le roi Henri II et les princes de sa famille sur les portraits du début des années 1550 (première ligne de portraits ci-dessous) et se retrouve, à la même période, sur les portraits des princes de la maison de Habsbourg (deuxième ligne de portraits représentant le futur empereur Maximilien et son cousin le futur Philippe II d'Espagne).
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Evolution de la tendance
Sur ces deux portraits présumés d'Henri de Navarre (ci-contre à gauche), futur roi Henri IV (1553-1610), apparaissent deux modes complètement opposées. Le portrait de gauche appartient tout entier à l'ancienne mode. Le haut-de-chausses représenté est celui qui était tendance durant les années 1530-1540.
Le second portrait à droite, traditionnellement daté de 1557, appartient au nouveau style (que ce soit au niveau du pourpoint ou des haut-de-chausses). Le jeune prince porte les chausses découpées en bandes, avec un ballonnement prononcé de tissu blanc qui en fait toute son originalité. C'est ce ballonnement qui sera à l'origine des formes hypertrophiées des années 1560.
Cette tendance se retrouve sur le portrait d'Henri II de France par François Clouet.
En le comparant avec les portraits vu précédemment, peut s'observer un volume légèrement plus important. Les bandes semblent plus larges et bien qu'elles soient relativement détendues, l'ensemble présente un léger ballonnement (image ci-contre).
Cette tendance se retrouve sur les portraits des autres cours européennes ; le haut-de-chausses grossit en taille :
Les années 1560
La mode des années soixante amplifie les tendances apparues pendant la décennie précédente : accroissement et extension (au niveau des dimensions), ballonnement (au niveau de la forme), et dédoublement des bandes (au niveau de la composition).
En se développant, le haut-de-chausses réagit en symétrie à l'hypertrophie des mancherons qui était de mise sous François Ier. Les trousses focalisent les regards au niveau des cuisses, à l'opposé de la mode ancienne qui mettait l'accent sur les épaules. Entre la génération des années trente et celle des années soixante, le changement de ligne est radical. Elle fait de la trousse la pièce maîtresse de l'habit masculin.
Le développement du haut-de-chausses a pour conséquence son accroissement en volume et son extension le long du corps.
La trousse double son volume et dépasse désormais le milieu de la cuisse. Elle retombe au-dessus du genou avec une contenance accrue.
C'est la principale évolution des années soixante : un rembourrage plus important.
Ce gonflement a pour effet le dédoublement des bandes qui forment la partie extérieure du haut-de-chausses. Dans les années quarante, les trousses sont formées de quatre bandes verticales de taille assez large et plutôt relachées.
Avec la tendance au ballonnement, les bandes sont plus petites et plus nombreuses. De quatre bandes, le haut-de-chausses passent à une vingtaine.
Ce qui caractérise également le style des années soixante c'est sa forme quasi-sphérique. Cette tendance apparaissait déjà dans les années cinquante. Mais avec le renforcement du rembourrage, le haut-de-chausses apparaît comme deux énormes ballons.
Sa taille fait presque oublier la proéminente braguette. Celle-ci disparaît déjà entre les bandes. Bientôt, elle sera passée de mode et laissée au placard. C'est la dernière génération à la porter. Ceux qui l'avaient exhibé dans leur jeunesse, vont bientôt la désavouer. Michel de Montaigne en parle, s'étonnant qu'il ait pu lui-même par le passé céder à cette tendance en train de devenir ridicule.
Ce qui donne désormais de la virilité à l'homme, c'est - avec la moustache - la grosseur de ses chausses. Serait-il outrancier de dire qu'une concurrence semble s'établir pour celui qui a les plus volumineuses ?!
Au cours de la seconde moitié des années 1560, le haut-de-chausses atteint son extension maximale. Il est si volumineux que les hommes peuvent y cacher des outils, des livres, et des armes. Dans le contexte des guerres de religion, le haut-de chausses devient l'icone d'une période dominée par les affrontements. Le portrait ci-contre en est l'illustration. J'ai souhaité souligner par un cercle bleu la forme ovale du vêtement, mais ce qui apparaît finalement au premier regard, c'est la dague placée à l'intérieur.