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Le costume historique

19 février 2024

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Andelot

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11 avril 2021

Sources :


Recueil de modes

 

  • Idem (édition de 1567, Bibliothèque nationale de France, Gallica).
  • Habits de France (recueil de dessin, vers 1581-1587, Bibliothèque nationale de France, Gallica).

 

 Récits illustrés de l'exploration de l'Amérique.

 

Traités d'escrime

 

Processions

 

 

12 novembre 2019

Col et rabat - XVIIe siècle - Partie 2

Les années 1650

 

En France

 

La mode du col étroit atteint son apogée au milieu du siècle. Face au souvenir des grands rabats de dentelle, elle s'impose pendant plusieurs années entre 1648 et 1652 environ (illustration ci-dessous de portraits peints vers 1650).

Rabat-1650v3

Il était logique qu'une fois atteint son faîte, la tendance bascula dans l'effet inverse. Dans le courant des années 1650, elle passe d'une dynamique de rétraction, à un mouvement d'extension. Le rabat s'étend de nouveau vers les épaules. Quand le basculement s'opère vers 1652-1653, vingt ans se sont écoulés depuis le naissance du grand rabat. Ici encore, il s'agit d'une réminescence cyclique.

gaston_orleans_v6Le rabat refait donc son apparition mais celui des années cinquante possède au moins deux caractéristiques qui permettent de le distinguer de celui des années trente. 

Premièrement, le rabat ne présente plus de dents pointues ou de bords lobés ; à peine le bord est-il arrondi, mais avec le temps, la coupe finit par devenir droite (images ci-contre, juxtaposition de deux portraits de Gaston d'Orléans, sans date, dont le deuxième est réactualisé et mis à la mode du jour).

Deuxièmement, le développement du rabat se fait autant sur la poitrine que sur les épaules. Contrairement au rabat des années 1630, celui des années 1650 présente une silhouette qui n'est pas ou peu rectangulaire mais plutôt carrée.

Les trois galeries de portraits ci-dessous illustrent l'extention progressive du rabat dans les années 1650. Vers 1652-1655, les bords du rabat reposent à plat sur les clavicules (première ligne de portraits). Dans les années 1655-1658, sa taille double de volume (deuxième ligne de portraits). Dans les dernières années de la décennie, vers 1658-1660, il finit par s'étaler sur toute la longueur des épaules et à taille égale, sur le haut de la poitrine (troisième ligne de portraits).

France, 1650-1655

 

France_1655-1658France, 1657-1660

Ce mouvement d'extension se vérifie dans le col de linge blanc que portent les hommes de robe et de science (galeries de portraits ci-dessous).

rabat_blanc_1650-1655dfdf

rabat_blanc_1655-1659

 

 

 Aux Provinces-Unies

 

Le mouvement d'extension du rabat se distingue aux Pays-Bas par une ligne encore très horizontale. Le rabat s'étend moins sur la poitrine que vers les épaules. 

Au début de la décennie, le col se présente étroit et rabattu contre le cou (première ligne de portraits ci-dessous). A partir des années 1653-1654, il commence à s'étaler sur les épaules, doublant les dimensions de sa surface (deuxième ligne de portraits ci-dessous). Au milieu des années 1650, il continue de s'étendre horizontalement, tout en avançant sur la poitrine lui conférant une ligne bien particulière qui le distingue du rabat des années 1640 (troisième ligne de portraits ci-dessous). De 1655 à 1659, il s'étend à raison de un à deux centimètres par an (quatrième et cinquième ligne de portraits ci-dessous), dans une forme qui atteint son apogée autour de 1660.

Pays-Bas circa 1650

 

 

Pays-Bas, circa 1653-1654

Pays-Bas, circa 1655Pays-Bas, circa 1656-1657

 

Pays-Bas, circa 1658-1659

 

 

Les années 1660

 

 En France

 

Les années soixante constituent l'apogée du rabat du point de vue de la taille et son point d'orgue en tant que tendance. Comme pour les années 1650, l'évolution de la forme est rapide, et présente chaque année un aspect différent. Son évolution se tient à deux caratéristiques : son passage à une forme verticale et dans la seconde moitié de la décennie, son rétrécissement en taille.

Nobles

France, circa 1661-1664

France, circa 1660-1665

 

 

 

France, circa 1665

 

France, circa 1664-1667

 

Magistrats et officiers de justice

Le rabat s'étend sur la poitrine de façon plus sobre et en décalage temporel avec la mode nobiliaire. La seconde moitié de la décennie est marquée par la ligne verticale (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Magistrat 1660-1665Magistrat 1665-1670

 Hommes de lettres et de sciences

Sont concernés des professeurs, des précepteurs, des astronomes, des mathématiciens, ou des gens de lettres. Les portraits sont rangés selon un ordre qui permet de faire émerger la suite évolutive de la ligne. Ce classement se fait independemment de l'ordre chronologique des portraits qui ne sont pas datés pour la plupart.

Hommes de Lettres 1660-1665Hommes de Lettres circa 1665Hommes de Lettres 1665-1670

Officiers militaires (France-Pays-Bas espagnols circa 1655-1665)

Si la cravate est l'accessoire emblématique de l'habillement militaire, le rabat continue d'être porté dans l'armée. Sa ligne suit l'évolution de la tendance, mais contrairement aux officiers de la grande aristocratie, il est représenté à plat. Ici aussi, les portraits sont rangés dans un ordre qui suit la chronologie de la tendance (par la ligne de leur rabat, les deux premiers portraits appartiennent à la mode de la deuxième moitié des années 1650).

 Officiers militaires, circa 1655-1665

Hommes d'Église 

Les hommes de Dieu ne portent pas de rabat aussi développé que celui des grands magistrats. Leur taille est beaucoup plus modeste (du moins tels qu'ils sont globalement représentés en portrait, certains arborant un rabat plus mondain que d'autres). A cause de la diversité du paysage clérical catholique, une grande variété de formes coexistent. Celle qui nous intéresse dans cet article est celle affichée par les prélats français. Sous l'influence de la mode, leur rabat suit la tendance à l'allongement sur la potirine et adopte cette particularité de la silhouette en pointe qui caractérise le milieu de la décennie. A la fin des années 1660, son développement se stabilise dans une forme rectangulaire qui est appelée à durer.

Prélats 1660-1669

 

 

Aux Provinces-Unies

 

L'accroissement spectaculaire de la production de portraits qui caractérise l'art hollandais au milieu du siècle permet de suivre la tendance à l'année près et d'observer son acmé autour de l'année 1662 (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Au commencement de la décennie, le rabat a encore une ligne très horizontale (première ligne de portraits ci-dessous), puis, dans le courant des années 1663 à 1665, il se réduit en largeur et adopte une ligne verticale (troisième ligne de portraits ci-dessous). Le tournant s'opère vers 1661-1662 quand le rabat recouvre les épaules et la poitrine à égale distance. Il a alors atteint son acmé.

Le rabat se présente tantôt plat, tantôt en jabot dans une forme ondulée qui forme comme deux tuyaux au milieu de la poitrine. Cet effet en jabot est amplifié par le passage du rabat en ligne verticale. Cet étalement sur la poitrine atteint son apogée vers 1665. Dans la seconde moitié de la décennie, le rabat ne repose plus sur les épaules. Il continue de se réduire, d'abord en largeur, puis en hauteur. A la fin de la décennie, il est presque aussi court que la cravate (cinquième ligne de portraits ci-dessous).

Pays-Bas, 1659-1660

Pays-Bas, 1661-1662

Pays-Bas, 1663-1665

Pays-bas, 1666-1667

Pays-Bas, 1668-1669

Le rabat blanc présente la même évolution : passage d'un format horizontal à un format vertical, passage d'un grand format couvrant une grande partie du buste à un petit format.

Rabat-blanc_1663-1665Rabat-blanc_1665-1669

 

 

Les années 1670

 

Durant les années 1660, le col est progressivement remplacé par la cravate. Le rabat est désormais relégué aux habits de fonction des ministres, magistrats et hommes d'église.

annees_1670

 

Les années 1680

 

Cravate 1680

 

 

Épilogue

 

Abandonné par la mode courante, le rabat devient un attribut professionnel. A la fin du Grand siècle, il continue d'être porté par les hommes de loi, magistrats et avocats. Dans le milieu des grands officiers, il adopte une forme standard qui demeure fixe pendant plusieurs décennies (première ligne de portraits ci-dessous). Sa taille ostentatoire permet de le distinguer de celui plus sobre des prêtres.

Le rabat demeure la pièce centrale du costume des hommes de loi pendant tout le XVIIIe siècle (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Magitrats français

Magistrat 1690-1710Magistrat 18e siècle

 

 

 

 

 

 

Prêtres français

Pretres 18e siècle

12 novembre 2019

Col et rabat - XVIIe siècle - Partie 1

 

Les années 1600

 

En France

 

Au commencement du Grand siècle, le col rabattu se présente plié à l'arrière du cou, mais déplié à l'avant, les pointes écartées. Cette mode née dans les années 1580 est à l'origine du développement du rabat au XVIIe siècle.

La galerie de portraits présentée ci-dessous illustre ce développement progressif qui caractérise la fin du XVIe siècle. Ce sont des portraits peints à la fin des années 90 ou approximativement vers 1600. A la quatrième image, le col présente les formes empesées caractéristiques de la première décennie du XVIIe siècle. Empesé signifie que le col a été traité à l'empois, une colle à base d'amidon. Ce traitement qui rigidifie le tissu, permet au col de ne pas s'avachir. Empesé, il conserve sa forme. 

Portraits circa 1600

 

La tendance dominante de cette époque est le déploiement en pointe sur les côtés et en conséquence l'extension du rabat au-dessus des épaules. Comme le col reste plié à l'arrière de la tête, il a cette silhouette géométrique particulière, d'aspect très pyramidal.

Galerie_1602Les trois premiers portraits ci-contre à gauche sont datés de 1602. Ceux de la galerie en-dessous sont respectivement datés de 1603 et 1604. Ils montrent l'évolution du col vers la forme d'une pyramide aux arrêtes presque droites.

galerie_1603-04

Plié au-dessus des épaules, le col empesé a une forme à trois dimensions, celle d'un tétraèdre au sommet duquel trône la tête.

circa_1603L'usage de la dentelle s'observe surtout chez les nobles (comme sur le portrait ci-contre à droite, représentant le jeune prince de Condé).

A la fin de la première moitié de la décennie, le col recouvre une bonne partie des épaules, mais sans être posé à plat. Ses bords ne font que les effleurer.

La galerie de portraits ci-contre présente les deux façons de présenter le rabat, soit tombant et relaché, soit monté et raide.

 

Puy d'Amiens de 1603Pour une étude typologique des formes du col, je vous invite à découvrir au musée de Picardie à Amiens, la série de tableaux appelés puys, offrant un ensemble de portraits représentant essentiellement des hommes et des femmes de la bourgeoisie (ci-dessous)

Puy d'Amiens de 1601A travers trois tableaux, respectivement datés de 1601, 1603 et 1605, on saisit les différentes formes du col et leur évolution dans le temps. L'étude de cette iconographie est essentielle pour contrebalancer l'approche évolutionniste qui particularise ma démarche sur ce blog.

 

 ***

Au milieu de la décennie, le col apparaît désormais en apesanteur. Il se soulève des épaules qu'il laisse apparaître. C'est le collet monté, un col empesé monté sur une armature métallique. C'est la principale nouveauté et caractéristique des années 1600 : le col est suspendu.

Galerie 1605-1610En se soulevant, le col poursuit son extension au-dessus des épaules. Il s'ouvre comme les pétales d'une fleur. Par ailleurs, il continue de se déployer en pointe. A la cour, cet aspect pointu lui donne un aspect triangulaire.

Cette silhouette triangulaire est très caractéristique de la tendance des années 1609-1610 environ. On la retrouve sur les derniers portraits du dauphin Louis (images ci-dessous à droite, représentant le dauphin avant sa montée sur le trône en 1610 à l'age de neuf ans)

Galerie 1607-1609Cette disposition en pointe se retrouve sur les gravures de l'entrée ducale d'Henri II à Nancy en 1610 (L'ordre tenu au marcher parmy la ville de Nancy capitale de Lorraine à l'entrée en icelle du serenissime prince Henry II). La gravure représentant la noblesse à cheval, offre toute une série de points de vue du collet monté, selon la position du cavalier (de face, de profil, de trois-quarts) (image ci-dessous).

Entrée ducale de 1610

Dans le cercle robin et intellectuel, moins assujetti aux vanités de la mode, les hommes portent un collet plus sobre (images ci-dessous).

Portraits de robins, 1605-1610Son style est en décalage de quelques années avec celui de la mode curiale, car sa forme ne présente pas cet aspect triangulaire vu précédemment. C'est plutôt celle des cols empesés du début de la décennie, conjugué à la forme aérienne propre aux années 1600.

religieux_c1610Evidemment, pour les plus modestes et les plus réfractaires à la mode, il y a toujours la possibilité de porter un col blanc à petit rabat, comme celui porté ordinairement par les prêtres (illustrations d'hommes d'Eglise ci-contre) ; et pour les plus austères, de ne rien porter.  

 

 

 

 

 

En Europe du Nord

 

En Angleterre, le col présente des formes moins empesées qu'en France. Le linge est plus librement disposé. Au début de la décennie, le col est posé à plat sur les épaules, quand celui de la mode française est disposé en tétraèdre.

Portraits anglais 1603-1605

Le passage à une forme montée est très bien illustré par les portraits du roi Jacques Ier d'Angleterre juxtaposés ci-dessous. Il s'agit de deux portraits présentés chacun en deux versions différentes ; que ce soit le modèle de gauche ou celui de droite, l'évolution est la même : le rabat devient suspendu.

Portraits de Jacques Ier

C'est avec cette forme de rabat que Crispin de Passe a représenté les comploteurs de la conspiration des poudres. Le point de vue de dos permet de voir la pliure du col à l'arrière de la tête.

La conspiration des poudres

 

 

 

 

 

 

 

 

Peter Paul Rubens, 1609Dans les pays du nord de l'Europe, comme aux Pays-Bas, la collet monté ne semble pas prédominant à l'inverse de la France. La mode existe, mais on lui préfère la fraise.

Dans son autoportrait Sous la tonnelle de chèvrefeuille, réalisé en 1609, le peintre Rubens se représente avec son épouse dans un cadre champêtre (extrait ci-contre à gauche). C'est le portrait souvenir de leur mariage. La pose est décontractée, et à l'image de cette atmosphère détendue, le rabat du peintre retombe librement sur les épaules. Son collet n'est pas monté. 

Portraits Europe du Nord 1605-1610

 

 

 

Les années 1610

 

 

En France

 

Anonyme, French schoolLe collet monté des années 1610 a la forme d'un plateau semi-circulaire légèrement convexe.

Le col est toujours suspendu mais il n'est plus plié à l'arrière de la tête. Il s'aplatit, se tend et adopte le contour d'un demi-cercle. Cette évolution lui fait perdre l'aspect pointu et triangulaire qu'il avait dans la tendance précédente.

Ce développement s'effectue de façon progressive, car dans les premières années de la décennie, le col garde encore sa forme de corolle évasée.

Daniel Dumonstier, Portraits d'hommes, 1610-1612 Le portrait de Guillaume de l'Aubéspine (ci-contre à droite) dessiné en 1612 par Daniel Dumonstier, présente  un col ballant, dont les bords retombent légèrement inclinés vers le bas.

Le col tend à s'aplatir mais durant toute la période de la régence de Marie de Médicis (1610 à 1614), sa forme reste encore légèrement convexe (images ci-dessous).

Collet monté vers 1615-1620

 

 

 

 

 

Le passage du collet à une forme rigide et plate se fait dans le courant de la décennie. Les trois portraits du roi Louis XIII (ci-dessous) permettent de saisir l'évolution de la tendance : le collet monté présente d'abord un col évasé, de forme convexe (vers 1610), puis, se présente comme un plateau rigide (vers 1615-1616), et enfin, ce plateau paraît s'affaisser légèrement en formant deux sortes d'ailes (vers 1618-1620 ?).

Louis XIII années 1610

 Gentilhomme français vers 1615-1620

Le  collet monté sous forme de plateau rigide est la deuxième tendance à retenir pour les années 1610. Est-ce cette forme semi-circulaire qui explique qu'on lui ait donné le nom de rotonde ? (portrait ci-contre)

On peut penser que cette tendance finit par s'imposer dans la deuxième moitié de la décennie. En témoignent les deux portraits ci-dessous à droite, qui sont datés de l'année 1618.

Collet monté plat 1610-1618

Le déploiement du col rabattu se remarque également chez les portraits des hommes de robe. Mais contrairement aux gentilshommes de la cour, le rabat des hommes de loi se porte faiblement plié et déployé plus simplement.

Le col chez les robins

 

 

En Angleterre

 

En Angleterre, la rotonde s'impose également dans les portraits des années 1615-1620 (troisième ligne de portraits ci-dessous). Au début de la décennie, la collet monté reste plié à l'arrière de la tête ou présente une forme simplement convexe (première ligne de portraits ci-dessous). Les portraits du roi Jacques Ier montre ce passage d'une ligne convexe à une forme plus raide (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Portraits anglais circa 1610-1612

Le roi Jacques Ier

Angleterre 1615-1618

Collet anglais 1613Le collet monté peut prendre des dispositions luxuriantes très osées. Sur les deux portraits anglais ci-contre, la rotonde est bordée de dents en dentelle en forme de languette de grande taille et pointue.

 

 

 

 

Aux Provinces-Unies

 

Aux Pays-Bas, l'on retrouve les mêmes tendances, même si la fraise prédomine encore largement. Les illustrations présentées ci-dessous appartiennent à une série de portraits d'officiers réalisés par Van Ravesteyn et conservés au Mauritshuis à la Haye. Ils répondent à une commande du prince d'Orange, ce qui explique leur homogénéité (cadragre, décor, posture et habit). Les portraits ont principalement été peints vers 1611-1612. Ils donnent un état des différents modèles de cols existant à un instant T. Je n'en présente que quatre mais le Mauritshuis en conserve plus d'une vingtaine (voir sur Wikimedia). Si la forme dominante est celle du collet monté, de nombreuses différences apparaissent au niveau de l'ornementation de la dentelle,  du degré de pliage, et de la taille du rabat. Cette présentation permet de montrer que l'étude du vêtement ne saurait se réduire à suivre l'évolution de la tendance dans le temps ; pour chaque époque, la mode se décline selon des critères sociaux-culturels multiples. Ici, la forme du col répond à un stéréotype facilement caricatural : c'est l'officier le plus jeune qui porte le col le plus ostentatoire, tandis que l'officier le plus âgé porte le col le plus sobre...
Portraits d'officiers hollandais circa 1611-1612

 

 

 

 

 

 

Les années 1620

 

 

1 - Le grand col en plateau

 

Le collet monté dans sa forme de plateau connaît son apogée dans les années vingt.

Dans le milieu curial, c'est une mode exubérante qui présente des plateaux qui font la largeur des épaules. Sa taille et la richesse de sa dentelle témoignent du degré de noblesse de son porteur et de son rang à la cour. Les quatre portraits ci-dessous sont des seigneurs de la haute noblesse française (Guise, Montmorency, Nevers, Soissons). Cette tendance se rencontre également en Angleterre et les cours d'Europe, mais on peut se demander si cette exubérance n'est pas propre à la France. Sur les portraits étrangers, les rotondes sont moins présentes et moins ostentatoires, y compris en Angleterre où la fraise à la confusion prédomine largement.

Portraits de princes français années 1620

 Le duc de BuckinghamCes deux portraits du duc de Buckingham réalisés à une date peu éloignée montrent deux styles différents de porter le collet monté. Le premier est un portrait d'apparat qui présente un grand plateau riche en dentelle ; c'est le collet monté que portent les riches seigneurs de la cour à l'occasion des cérémonies officielles. Le second portrait présente un collet plus sobre par sa taille et sa dentelle ; c'est le collet monté porté au quotidien.

Hommes d'EgliseLa rotonde n'est pas réservée à la noblesse d'épée. C'est une mode également portée par les gens de robe, hommes de loi ou d'Eglise. Le style est évidemment plus sobre, généralement sans dentelle (ci-contre portrait de l'archevêque de Paris Jean-François de Gondi, du cardinal de Guise et du cardinal de Richelieu).

Cette mode du collet monté se porte encore à la fin de la décennie. On le trouve encore représenté sur les gravures de « mode » éditées vers 1628-1629 (Couple d'elegants habillés à la mode de France par Jean Picart, 1628 et La noblesse française à l'église par Abraham Bosse, 1629).

L'essentiel de son évolution réside dans son abattement. Les deux ailes latérales s'affaissent (illustrations ci-dessous).

 col tombant

 

 

 

 

 

 

2 - Le petit rabat empesé

 

Pendant que s'achève la mode du collet monté en plateau, une nouvelle tendance fait son apparition : le petit rabat empesé.

Clese_rabutin_Bussy-RabutinA première vue, c'est une mode qui ne présente rien d'original ; probablement lassés des extravagances de la rotonde, les gentilshommes de la cour reviennent à un type de col beaucoup plus sobre, mais également à la connotation plus militaire.

Cette forme est une réminescence du collet porté vers 1600. Sa forme paraît moins pyramidale, car l'amplitude de l'angle de pliage est quasi identique à l'avant et à l'arrière du col (portrait ci-contre d'un gentilhomme français habillé en tenue militaire vers 1625).

Il s'agit d'un rabat empesé, c'est le traitement du tissu à l'empois qui permet à la pièce de retomber de façon raide au-dessus des épaules. Le rabat n'épouse pas la forme du cou, mais survole les clavicules.

Sir Thomas Meautys en 1626Cette tendance trouve peut-être son origine en Europe du Nord. C'est le type de rabat que l'on rencontre souvent sur les portraits des chefs militaires aux Pays-Bas ou en Allemagne (galerie de portraits ci-dessous). Le vêtement est plus commode à porter sur le champs de bataille.

L'Europe du Nord a également connu la rotonde (dans des dimensions raisonnables) mais dans le courant des années 1620, les bords du rabat s'affaissent. La galerie de portraits ci-dessous l'illustre : le premier portrait représente Ernst von Mansfeld, commandant illustre de la guerre de Trente ans, peint pendant son séjour à Londres en 1624. Les autres portraits sont datables de la seconde moitié de la décennie.

Chefs militaires d'Europe du Nord Années 1620

Col

A fin de la décennie, ce petit col en dentelle se transforme. Il s'agrandit, au point que les dents qui le bordent touchent les épaules. Il garde son effet aérien, car il n'épouse par la forme du pourpoint qu'il ne fait qu'éffleurer. Il reste un collet empesé.

Peu à peu, il s'étale, donnant naissance au grand col rabattu. En un temps très rapide, il va devenir ce grand rabat de dentelle si caractéristique du costume masculin de l'époque dit Louis XIII.

La transition s'effectue dans les années 1628-1630. Le rabat prend d'abord une silhouette carrée (1629)

La noblesse à l'église - 1629

 

 

 

 

 

 

Les portraits anglais présentent toujours un col au tissu relâché, faiblement ou pas empesé (ci-dessous).

Angleterre 1628-1630

 

 

 

 Les années 1630

 

 

En France

 

Exemple de rabat (1632)

Le grand col de dentelle est emblématique du règne de Louis XIII. Il n'existe pourtant que dans la troisième et dernière partie de son règne (1630-1643), celle des années les plus glorieuses. Hasard des dates, son usage colle parfaitement avec les limites de la décennie. De 1630 à 1640, le col rabattu s'étale sur toute la longueur les épaules et n'en bougera pas.

Le grand rabat de dentelle ne reste pourtant pas une mode figée. Pendant ses dix années de règne, il présente différentes tendances, qui se distinguent par les formes et le nombre des dents qui le bordent, ou bien par les formes et la disposition des motifs de dentelle.

France, circa 1630-1635

France, circa 1635-1639

France, circa 1630-1639

 

 

 

 Aux Provinces-Unies

 

Aux Pays-Bas, la mode des années 1630 est également marquée par la prédominance du rabat. Bien qu'aux Pays-Bas, la fraise à la confusion ait connu un grand engouement, elle finit par s'effacer au profil de ce dernier.

Cette évolution peut s'observer sur les portraits des édiles. Les deux tableaux présentés ci-dessous en constituent un exemple ; ils ont été peints à trois années d'intervalle. Sur le tableau de 1633, seuls 2 hommes sur 7 portent un rabat (et, un seul seulement porte le grand rabat en dentelle). Sur le tableau de 1636, c'est l'inverse, seuls 3 hommes sur 15 portent la fraise. La juxtaposition des deux images permettrait ainsi de situer aproximativement au milieu des années 1630, le mouvement de bascule où la mode du rabat supplante celle de la fraise. Il reste à vérifier si cette illustration peut être généralisée et si elle s'applique aussi bien en dehors du milieu politique. 

 1633-1636_Pays-Bas

La comparaison des deux tableaux permet également de relever les deux principales tendances formelles de cette époque : la première est l'extension du rabat au-dessus des épaules et la seconde est le retrait de la dentelle qui est releguée aux bords et dents du rabat.

Tendance 1 : extension et rétraction

L'extension se constate dès le commencement de la décennie. Elle est progressive et atteint son apothéose au milieu de la décennie. Entre 1635 et 1637, le rabat est si large qu'il dépasse des épaules et s'affaisse sur le partie supérieure des bras (4e ligne de portraits ci-dessous). A partir de 1637 environ, la tendance s'inverse ; le rabat connaît un reflux progressif. Dans les trois dernières années de la décennie, il se réduit en largeur mais sans pour autant revenir à la taille qui était celle de l'année 1630 (5e ligne de portraits).

Provinces-Unies_1630-1632Provinces-Unies_1632-1634Provinces-Unies_circa_1635Provinces-Unies_1636-1637Provinces-Unies_1637-1639

Tendance 2 : Épanouissement et retrait de la dentelle

Le deuxième effet de mode visible concerne l'utilisation de la dentelle. Après une période d'excès où la dentelle recouvre les trois quarts de sa surface (2e et 3e lignes de portraits ci-dessus), la tendance revient à un style plus sobre. Dans la seconde moitié de la décennie, la dentelle est releguée aux rebords du rabat (4e et 5e lignes de portraits ci-dessus). Aux années luxuriantes, succède une ornementation relativement plus mesurée où les tombants du rabat se présentent sans dentelle.


1630-1640 Cette disposition apparaît plus rarement sur les peintures du début de la décennie ; ce qui signifie pas qu'elle n'était pas portée : il en est un exemple avec le portrait de cet officier militaire (premier portrait ci-contre, daté de 1631). La juxtaposition des trois portraits montrent l'évolution de la forme.

En revanche, les portraits de la seconde moitié des années 1630 présentent presque exclusivement ce retrait de l'ornementation ; c-dessous, dans une forme très épurée : 

Provinces-Unies_1635-1639

En parallèle, le rabat blanc sans rebords et sans dentelle se porte durant toute la décennie. Il n'y a que sa taille qui permet de le dater approximativement.

Provinces-Unies_rabat_blanc

 

 

Les années 1640

 

 En France

 

Modèle en dentelle

Au début des années 40, la taille du rabat se raccourcit, laissant les épaules à découvert. Le grand col de dentelle tombe en désuétude. Au fil des années, il se rétrécit au point de revenir à la taille d'un simple petit col rabattu sur le cou. Ces évolutions se retrouvent assez bien résumées sur ces portraits successifs du duc Charles-Emmanuel II de Savoie (1634-1675), cousin de Louis XIV (galerie d'images ci-dessous).

Charles-Emmanuel II de Savoie de 1640 à 1650.

 

Homme attribué à Eustache Lesueur, vers 1640

Le point de départ de cette mode est le relâchement du rabat au-dessus de la poitrine (image ci-contre : portrait d'homme attribué à Eustache Lesueur, musée du Louvre). Il présente un pli sous une forme d'ondulation qui contraste avec le rabat lourdement empesé et applati qui prévalait dans la mode précédente. Ici encore, c'est l'effet de négligence qui dicte la tendance.

Cet effet se remarque sur les portraits français dès la fin des années trente (le portrait peint par Eustache Lesueur ci-contre est peut-être un tableau peint à la fin des années 30).

 

 

 

Une autre tendance marque le début des années 1640, c'est celle du raccourcissement du rabat dans sa longueur. En se retirant des épaules et en s'avançant sur la poitrine, le rabat adopte une ligne carrée (galerie d'images ci-dessous).

Le rabat vers 1640

Louis XIV vers 1643Dans le deuxième quart de la décennie, la rabat de dentelle continue de se réduire. Ce rétrécissement peut se mesurer au nombre de dents lobés qui ornent le rebord ; le rabat passe ainsi de huit à six dents sur le devant de la poitrine. C'est la forme que porte Louis XIV sur un portrait où il est encore revêtu de sa robe d'enfant, soit vers 1643 (image ci-contre : extrait d'Anne d'Autriche, reine de France et ses enfants, Château de Versailles).

C'est aussi le rabat porté par les grands officiers de la Couronne à la fin du règne de Louis XIII (galerie d'images ci-dessous : portraits de Lesdiguières, Cinq-Mars, Tréville, Longueville). Au commencement du règne de Louis XIV, le grand rabat de dentelle a disparu des portraits de cour.

Le rabat vers 1642-1644

 

Le luthier par CossiersL'une des caractéristiques du rabat de cette époque est la forme lobée des dents qui le bordent. La tendance des bords très découpés avec des dents en arc outrepassé cède définitivement la place à un style beaucoup plus sobre, fait de lobes arrondis (image ci-contre à droite : portrait d'un luthier par le peintre flamand Jean Cossiers)

Beaufort vers 1645-1649Au fur et à mesure du temps, la délimitation des lobes est de plus en plus discrète. C'est la conséquence du raccourcissement du rabat qui limite le développement des saillies décoratives (image ci-contre à gauche : portrait du duc de Beaufort par Nocret avant 1649, musée des beaux-arts de Baltimore).

Dans la deuxième moitié de la décennie, le rabat passe de six à quatre dents sur le devant de la poitrine (galerie d'images ci-dessous).

Le rabat vers 1646-1650

annee_1648_1650

 

 Le modèle sans dentelle. 

Le rabat sans dentelle présente une évolution plus compliquée à saisir, car en se réduisant il rejoint les formes simples qui habillent les personnes qui ne suivent pas la mode. Il suffit de voir les scènes de genre peintes par les frères Le Nain pour se rendre compte de la pluralité des modèles.

Son évolution est comme pour le modèle en dentelle : retrait des épaules, avancée au-dessus de la poitrine, effet d'ondulation, puis réduction générale (galerie de portraits ci-dessous).

Année_1640_col_blanc

N_Hals_Descartes_Louvre_MRNC'est de cette tendance que naît dans le courant de la décennie une forme rectangulaire très caractéristique  ; en se réduisant uniquement sur les cotés, le rabat présente une forme allongée non plus aligné sur les épaules mais perpendiculaire à elles, pendu au-dessus de la poitrine (galerie de portraits ci-dessous).

C'est ce qui aboutit au modèle porté par le fameux portrait de René Descartes peint d'après Frans Hals vers 1649 et aujourd'hui conservé au musée du Louvre (image ci-contre).

Année_1640_col_blanc

Parallèlement à cette mode, il existe pour les notables un modèle plus conventionnel présentant un tissu empesé de façon si rigide qu'il ne présente pas - ou peu - cet effet d'ondulation sur la poitrine. C'est le rabat à la fois sobre et distingué que portent les hommes de loi. En se raccourcissant, il a cette forme classique presque intemporelle qui rend difficile la datation par l'habit des portraits l'arborant.

années40_colblanc_loi

ediles_1643-1648L'étude des portraits des édiles (échevins de Paris, consuls de Narbonne, capitouls de Toulouse) montre que ce modèle suit la tendance à sa façon et que pour les années 1640, il se réduit également au point de revenir au petit col blanc.

 

 

 

 

Aux Provinces-Unies

 

1640-1642En 1640, la ligne du rabat présente deux axes de déplacement. Le premier concerne le retrait des épaules et le second, son allongement sur la poitrine : le rabat se réduit en longueur en même temps, qu'il s'avance en largeur. Cette combinaison lui donne une ligne carrée qu'il va conserver pendant toute la première moitié de la décennie.

Cet effet est très marqué sur les portraits peints vers 1640-1642 (galerie de portraits ci-contre).

Parallèlement, le rabat continue son rétrécissement amorcé vers 1636-1638. Il se réduit progressivement d'un à deux centimètre par an environ. Les premières lignes de portraits ci-dessous illustrent cette évolution. Dans la seconde moitié de la décennie, le rabat se réduit à quelques centimètres de largeur.

Au sein de cette tendance, le rabat se présente soit de façon empesée et raide (comme sur nombre de portraits de Frédéric-Henri prince d'Orange), soit de façon souple et relachée (comme la grande majorité des portraits ci-dessous).

 Provinces-Unies, 1640-1645 ligne 1Provinces-Unies, 1642-1643 ligne 2Provinces-Unies, 1642-1643, ligne 3Provinces-Unies, circa 1647, ligne 4Provinces-Unies, circa 1648, ligne 5Provinces-Unies, 1648-1649, ligne 6

 

On trouvera la même évolution pour le rabat sans dentelle :

Provinces-Unies, 1642-1643Provinces-Unies, 1645-1647Provinces-Unies, 1649

 

 

 

 

 

 

27 avril 2019

Culotte - XVIIe siècle

Les années 1600

 

 

Aux Pays-Bas

 

La première décennie du XVIIe siècle est marquée par le retour des formes amples et ballonnées. Elle constitue l'aboutissement d'une période de transition entre deux tendances opposées, l'une étroite et serrée et l'autre volumineuse et étoffée. 

C'est par les Pays-Bas que la présentation commence, car l'épanouissement artistique du siècle d'or néerlandais met à la disposition des historiens d'aujourd'hui un important stock d'images qui permet d'en saisir les différentes évolutions.

Pendant la première décennie du siècle, la mode de la « culotte » est ainsi dominée par trois tendances principales plus ou moins successives :

Pays-Bas 1600-1610

1- la « culotte » ouverte au genou de type « bermuda » ; c'est la tendance de la décennie précédente. Dans les années 1600, elle est en fin de parcours.

2- la « culotte » fermée et bouffante, qui succède à la tendance précédente par opposition des effets : l'une est fermée / l'autre était ouverte (à l'ouverture du genou) ; l'une est bouffante / l'autre donnait l'apparence d'être creuse .

3- la « culotte » ballonnée ; c'est une mode qui procède des tendances précédentes. La chausse prend du volume par ballonnement dans une ampleur qui connaît son apothéose à la toute fin de la décennie.

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L'hiver, 1601- Tendance n° 1

La « culotte » ouverte au genou atteint son apogée dans les premières années du XVIIe siècle.

Elle se présente en coupe droite dans une forme semblable aux bermudas d'aujourd'hui (image ci-contre : L'hiver, 1601, d'après Goltzius). Il ne s'agit pas d'une « culotte courte », car en longueur, elle s'étend au genou qui est plus ou moins recouvert.

Breen, Verspilling in het huwelijkDans les années 1600, elle présente un volume très ample qui tranche avec la ligne serrée des années 1590. Sa forme large et flottante rappelle la mode des baggy shorts portés par les basketeurs américains dans les années 1990 (image ci-contre).

Dans le courant de la décennie, la « culotte » cède à la mode du ballonnement et perd sa coupe droite au profit d'une contenance renflée (galerie d'images ci-dessous). Sous la poussée des nouvelles formes bouffantes comme la chausse en bourse, elle finit par disparaître de l'iconographie à la fin de la décennie.

Variarum Gentium Ornatus, Belges, 1605-10La mode de la chausse ouverte est très présente dans les scènes de genre aux Pays-Bas. Cela laisse supposer que c'est dans les pays d'Europe du Nord que cette tendance s'est developpée.

Dans la série consacrée aux costumes des différentes nations, Variarum Gentium Ornatus gravée vers 1605-1610 par Peter Jode, trois personnages sur dix portent ce type de culotte ; l'un est anglais, et les deux autres représentent les Pays-Bas espagnols (image ci-contre : représentations d'un marchand et d'un noble de nationalité belge). Les Pays-Bas du Nord ne sont pas représentés dans cette série, mais cette mode apparaît dans de nombreuses estampes des maîtres néerlandais, à l'instar de Van Breen et Visscher (images ci-dessous).

La confrontation des images montrent l'évolution de la ligne sur une décennie, marquée sur sa fin par la tendance au ballonnement.

 Pays-Bas, 1600-1610

 

  

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Cour vers 1610- Tendance n° 2

La « culotte » bouffante des années 1600 se présente allongée, couvrant les cuisses jusqu'aux genoux et d'une contenance rembourrée. Son aspect bouffant au genou prend le contrepied de la mode précédente.

Elle est illustrée par les dessins de soldats gravés par Jacques de Gheyn (Provinces-Unies), et les scènes de banquet de Louis de Caullery (Pays-Bas espagnols).

Dans la série Variarum Gentium Ornatus gravée vers 1605-1610 de Peter Jode, elle habille les élégants français, italiens et portuguais. 

  Caullery (attr), An elegant company

 

Soldats, Gheyn

 

 

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Avercamp 1608-1610- Tendance n° 3

Dans le courant de la décennie, la « culotte » adopte une ligne ballonnée qui atteint son apogée au passage des années 1610 (image ci-contre, un patineur, par Hendrick Avercamp, 1610).

Jan Claesz_1602_Albert-SonckCette tendance naît en opposition au style des années 1580 et 1590 qui étaient marquées par une coupe relativement droite et l'ajustement des culottes à la taille des cuisses.

Il s'agit également d'une réaction à la mode des culottes ouvertes, à leur style flottant et creux. A la mode des baggy short, succède donc une mode plus arrondie, consistante et étoffée. La nouvelle tendance apparaît dès le début de la décennie. La ligne se présente alors légèrement courbe ou galbée (image ci-contre, portrait d'Albert Sonck et son fils, par Jan Claesz, 1602).

Circle of Jan Claesz, 1609L'amplitude de la fin de la décennie rappelle la rondeur des chausses à la gigotte portées dans les années 1565-1575. Il s'agit de la résurgence d'une mode vieille de quarante ans (réminescence cyclique des modes qui sautent une génération). La seule différence est qu'il n'y a pas d'ajustement au bas de la cuisse. Il ne s'agit pas d'un gigot qui moule le genou. Ce dernier reste dissimulé sous plusieurs plis bouffants ou sous l'effet de l'ouverture au genou.

Jusqu'à la fin de la décennie, la mode du baggy short demeure mais combiné avec le ballonnement, elle finit par s'étioler. Sous l'effet de renflement, l'ouverture au niveau du genou finit par disparaître (images ci-contre, par Jan Claesz, 1609).

A la fin de la décennie, la « culotte » se présente comme un gros ballon rond. Ce ballonnement est particulièrement remarquable sur les portraits et scènes de genre des années 1608 et 1609. 

ballonne-1608-1609_petitformat

 

 

 

En France

 

Dans les années 1600, la  « culotte » continue de se porter ouverte, mais se différencie de la décennie précédente par sa coupe galbée. La culotte devient ballonnée.

 

HIV

Ainsi, les tendances observées pour les Pays-Bas se retrouvent en France, bien que l'iconographie française n'offre pas un corpus aussi riche pour les présenter en détail.

HIV_version2Ce qui a de remarquable, c'est que la mode du « bermuda » s'observe sur des gravures représentant non seulement des gentilshommes, même aussi le roi lui-même (image ci-contre : extrait d'une gravure célébrant le mariage d'Henri IV avec Marie de Médicis , British museum ; et Henri IV touchant les écrouelles, BnF). La juxtaposition des deux images montrent deux coupes distinctes : sur celle de gauche, Henri IV porte une chausse à la coupe plutôt droite, (avec, peut-être, un très léger renflement au niveau des hanches) tandis que sur celle de droite, Henri IV porte une chausse à la forme plus galbée. 

Thomas de Leu, Le soldat et la mort, 1600Frontispice_Isle_des_Hermaphrodites_Munich_Bibliotheque_v2Cette coupe galbée se retrouve sur deux autres gravures contemporaines au règne d'Henri IV.

La première est la caricature qui se trouve en frontispice de L'isle des hermaphrodites, le fameux essai qui dénonce les hommes aux moeurs de femme. Sa coiffe est celle d'une dame, mais sa chausse - renflée et ouverte - est celle de la mode masculine (image ci-contre à gauche, tirage de la Münchner Stadtbibliothek, c. 1605).

La seconde est une oeuvre de Thomas de Leu datée de 1600, intitulée Le jeune homme et la mort (image ci-dessus à droite, tirage de la BnF) ; la gravure représente un jeune homme affrontant l'allégorie du temps qui passe.

De Passe vs Leu, circa 1600Ce qui est intéressant avec cette gravure, est qu'elle est la reprise d'une oeuvre du néerlandais Crispin de Passe (tirage du British museum)6. Thomas de Leu, son contemporain français, a modifié l'habit du jeune homme pour l'adapter à la manière française. En juxtaposant les deux oeuvres, ce sont deux modes différentes qui apparaissent : l'une néerlandaise avec une « culotte » à la coupe droite, et l'une française avec une « culotte » à la ligne courbe.

On peut dès lors s'interroger sur l'origine de cette mode du renflement et s'il ne faut pas y voir une tendance à l'origine française. S'il n'est pas possible de le confirmer, on peut à tout le moins établir qu'elle était déjà une mode en France avant que ne commence la décennie, la gravure étant datée de 1600.

Cette forme renflée est encore plus marquée sur les gravures de Jan van Haelbeck, artiste flamand travaillant à Paris (images ci-dessous : extraits des Enigmes joyeuses pour les bons esprits (ré)éditées vers 1615). Ici, les images montrent distinctement que le ballonnement se situe au niveau des hanches, comme si ces hommes portaient un bourrelet en dessous de la ceinture. Ce détail à son importance,  car c'est ce qui caractérise les années 1600 et ce qui permet de comprendre la suite de la tendance.

Jan van Haelbeck

 

Le deuxième point important est que comme aux Pays-Bas, la « culotte » ouverte aux genoux finit par disparaître. Elle n'apparaît plus dans l'iconographie des années 1610.

Pompes funèbres de Charles IIISur les gravures commémoratives de l'enterrement du duc Charles III de Lorraine en 1608, les hommes portent une culotte fermée. Parmi la centaine de personnages représentés, aucun ne porte le « bermuda ». Celui-ci semble être passé de mode  (images ci-contre : extrait des Pourtraictz des ceremonies, honneurs et pompe funèbres, du duc Charles III, commandé en 1610 et publié en 1611).

1611v2En revanche, la chausse renflée se maintient encore ; elle semble même plus ballonnée que jamais.

En France aussi, les images montrent que vers 1610, cette mode du ballonnement a atteint son apogée.

Pour un aperçu "statistique" des typologies du haut-de-chausses et de sa répartition sociale autour de 1610, je recommande la série de gravures de Merian, intitulée L'ordre tenu au marcher parmy la ville de Nancy capitale de Lorraine à l'entrée en icelle du serenissime prince Henry II (liens vers le site Gallica : nobles, bourgeois, gens de justice).

 

 

 

 

 

Les années 1610

 

 

En France

La tendance des années 1610 s'inscrit dans la continuité de la décennie précédente avec des « culottes » bouffantes très amples, mais avec une différence importante au niveau de la forme : la culotte ballonnée qui caractérisait les années 1600 cède la place à une culotte affaissée en plis sur les genoux. (images ci-dessous : extraits des Enigmes joyeuses pour les bons esprits en deux éditions différentes, par Halbeek et Merian, BnF)

comparaison-1600-1610_v3

 

comparaison4Les images sont tirées d'une série de gravures éditée une première fois à une date inconnue mais qui selon la mode des vêtements serait à situer dans les années 1600. Puis, vers 1615, cette série a été modifiée et rééditée à deux reprises. Comme pour la gravure  du Jeune homme et la mort, l'habit du galant a été mis à jour faisant apparaître la tendance majeure des années 1610 : l'effet bouffant de la culotte s'est déplacé de haut en bas, dans un basculement radical, des hanches aux genoux.

Par ailleurs, la culotte est non seulement fermée, mais son orifice est désormais dissimulée par des plis très amples. De ce cette amplitude, la culotte tire son nom de chausse à gros plis, ou chausse à tuyaux d'orgue. En raison de  sa forme boursouflée, on lui donne également le nom de chausse en bourse.

Ce modèle s'observe autant dans la noblesse que dans la classe bourgeoise (images ci-dessous : extraits de gravures représentant de gauche à droite un marchand parisien ; un jeune galant ; et un homme trentenaire)

 Merian hommes de la bourgeoisiev2

 

L'autre grande nouveauté du XVIIe siècle, est que la « culotte » est devenu un article d'élégance aristocratique. Sa présence dans les portraits d'apparat montre son enracinement dans la mode nobiliaire (images ci-dessous : portraits d'Henri IV par Frans Pourbus, 1610 ; Charles de Guise, s.d. ; et son frère le prince de Joinville par le même Pourbus, 1610. La « culotte longue » a désormais sa place sur les portraits officiels de la haute noblesse française. La disparition du culot qui l'accompagnait auparavant, est significatif de la transition qui s'opère au début du XVIIe siècle. L'image sociale de la culotte et de la trousse est en train de s'inverser.

Rois et princes français, 1610 et environ

La chausse du prince de Joinville (troisième image à droite) offre ici le modèle d'une chausse à plis très amples au-dessus du genou ; le portrait est daté de 1610 et déjà le renflement a basculé vers le bas. Il montre que le retournement de la tendance avait déjà commencé avant cette date.

Au milieu de la décennie, vers 1615, la chausse n'est définitivement plus bombée ; ses plis retombent désormais verticalement sur les genoux. Cette tendance procure au gentilhomme une ligne allongée qui rappelle la mode espagnole des trousses à la ligne verticale (image ci-dessus : portrait du roi Louis XIII à gauche).

Chausses en bourse, France années 1610

 

En Angleterre

La série de portraits présentés ci-dessous présente les trois grandes tendances successives de la décennie.

En 1610, la « culotte » se présente ballonnée en forme de bourse (première ligne de portraits ci-dessous). Puis, dans le courant de la décennie, elle s'affaisse et perd de sa rotondité. Sa forme passe d'une ligne concave à une contenance flasque (deuxième ligne de portraits ci-dessous). Sa ligne devient presque convexe. L'aspect bouffant au-dessus des genoux maintient la forme en bourse.

Portraits anglais circa 1610

Chausses anglaises, années 1610

A la fin de la décennie, les portraits du roi Jacques d'Angleterre montre un changement de forme radical. La tendance revient à une forme en oeuf, mais inversée au regard de la mode dominante. Au lieu d'être bouffante au-dessus des genoux, la culotte est arrondie dans sa partie supérieure (ligne de portraits ci-dessous). La libération du genou est la grande tendance des années 1620.

James Ier circa 1618

 

 Aux Provinces-Unies

 

Vinckboons, De buitenpartij, circ 1610Au commencement de  la décennie, l'hypertrophie du haut-de-chausses est à son apogée. Les peintures de genre du siècle d'or hollandais en offrent de nombreuses illustrations.

Pour le début des années 1610, l'amplitude de plis marque les oeuvres de David Vinckboons. Le peintre néerlandais s'est spécialisé dans les scènes de village, mais aussi dans les parties de campagne comme l'illustre l'image ci-contre (extrait d'une garden party). L'image offre le visuel d'une « culotte » particulièrement bouffante. Peinte vers 1610, elle illustre une tendance qui est à son point culminant.

Puis, la chausse perd son ballonnement et adopte une ligne verticale. Cette tendance est très bien illustrée par les oeuvres d'un autre peintre néerlandais : Willem Buytewech. Son art met en scène des banquets où se retrouve la silhouette très verticale de la chausse à plis.

Buytewech a aussi laissé des gravures de mode ; le Rijksmuseum en conserve quelques unes, datées de 1615, représentant des jeunes hommes sensés être originaires de pays différents (illustrations ci-dessous) ; la coupe de la « culotte » reste la même : verticale et allongée.

Buytewech, 1615

Buytewech, Voorname vrijage, 1616-1620, RijksmuseumL'aspect dominant de cette période est que la culotte à gros plis est tellement bouffante dans sa partie inférieure  que visuellement, elle fait disparaître le genou. C'est son effet le plus caractéristique ; à la décennie suivante, le genou sera au contraire à découvert.

Buytewech est décédé très jeune à l'âge de 32 ans en 1624. Dans les années 1620, sa peinture a influencé un autre peintre spécialisé dans les scènes de genre : Dirck Hals, frère du celèbre portraitiste Frans Hals. L'oeuvre de Buytewech et de Dirck Hals constituent une précieuse source documentaire pour l'étude de la mode.

 
 

 

Les années 1620

 

En France

 

Dans les années vingt, la chausse n'a plus la forme triangulaire et verticale de la tendance précédente mais plutôt la ligne ovale d'un oeuf (images ci-dessous : portrait du jeune roi Louis XIII vers 1610 et 1620).

LouisXIII_1610-1620def

 

Louis XIII victorieux, 1620Sa contenance est toujours bouffante, mais elle ne retombe plus de façon flottante sur les genoux ; elle s'arrête au bas de la cuisse et est resserrée dans sa partie inférieure, laissant voir l'ouverture au-dessus du genou. C'est la grande nouveauté des années 1620, l'orifice par où passent les jambes est visible ; sur le portrait du roi Louis XIII ci-contre, il est fermé par des aiguillettes, sortes de cordons munis d'un embout métallique appelé ferret 7. Ce qui était conventionnel de cacher, devient un ornement de mode.

Le genou est désormais à découvert.

Dans les pages illustrées de L'instruction royale de Pluvinel, gravée par Crispin de Passe, plusieurs types de hauts-de-chausses sont représentés. Les chausses de la tendance du moment, à l'instant décrites, habillent les jeunes hommes représentés sur les images ci-dessous. En revanche, les personnes plus agées portent une chausse allongée plus datée (cachant le genou) et plus sobre (dans la ligne) (exemple avec le marquis de Souvré, précepteur de Louis XIII, représenté à droite sur ce lien vers Gallica). 

Pluvinel, L'instruction du roi, 1620-1625

 

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Gentilhomme françaisEn France, cette tendance d'une culotte courte de forme ovale n'a pas traversé la décennie. A la fin des années 1620, une autre tendance se manifeste, celle de la chausse allongée sans ballonnement, ni gros plis (images ci-contre).

David Charles, L'Espoir de la FranceAu fur et à mesure de la décennie, le haut-de-chausses perd en effet de sa rotondité. Du point de vue de la ligne, il s'adapte à la forme des cuisses, sans être moulant. La chausse perd ses gros plis, mais reste encore légèrement bouffante. Elle s'allonge à la hauteur des genoux et prend la forme d'une chausse à l'aspect flottant.

La transition n'est pas évident à montrer sur le plan iconographique. Il s'agit d'une réminiscence de la chausse portée dans les années 1600, avec une ligne moins bouffante.

Ce n'est plus une chausse ballonnée (1605-1615), ni une chausse en bourse (années 1610-1620), ni une chausse en tuyaux d'orgue (années 1615-1620).

 

En Suède

Pourpoint et culotte bouffante du roi de Suède vers 1620Les collections royales de Suède comprennent des pièces de vêtement et des tableaux qui illustrent assez bien la forme ronde ou ovale de la « culotte » bouffante des années vingt. Sur les portraits des hommes de guerre présents dans ces collections (images ci-dessous), ce ballonnement des formes est très marqué. Les genoux sont à découvert, à contrepied de la mode des années 1610.

La mode suédoise ne suit pourtant pas de logiques différentes des tendances européennes. Comme en France, on observe que dans le courant de la décennie, la « culotte » bouffante s'affaisse et s'avachit.

 

Portrais de militaires suédois 1623-1624

 

En Angleterre

Les portraits anglais montrent la même forme ovale et légèrement ballonnée.

Par ailleurs, comme sur le portrait de Louis XIII, vu précédemment, l'ouverture du bas de la chausse est visible, laissant à découvert la rangée d'aiguillettes qui la ferme. La forme raccourcie de la chausse produit ainsi le développement d'une nouvelle tendance : l'ornementation du bas de la « culotte » par l'agencement esthétique des cordons de fermeture. Cette utilisation harmonieuse des cordons est promise à un avenir durable.

Chausses anglaises, années 1620

 

 

 

Les années 1630

 

En France

Dans les années trente, la tendance est à une forme allongée au-dessous du genou et à une coupe de plus en plus ajustée. A la fin de la décennie, la « culotte » se présente comme un pantacourt à la coupe presque droite. Sa forme ne doit pas être confondue avec le patalon 8.

La galerie d'images ci-dessous sont des portraits de princes français (ou lorrains), peints par Ferdinand Elle et Antoine van Dyck entre 1630 et 1635. La période présente encore des chausses au tissu flottant, mais de forme allongée. Le premier portrait peint en 1631 présente encore une chausse fermée aux genoux. En revanche, les portraits suivants présentent plutôt une chausse ouverte autour du mollet.

Portraits francais, 1630-1635

 

 

En Angleterre

La chausse à gros plis passe d'une ligne ample (première ligne de portraits ci-dessous) à une forme allongée. Comme nos pantalons modernes, elle adopte une coupe droite (deuxième ligne de portraits ci-dessous).

Portraits anglais, 1631-1635

 Portraits anglais, 1635-1636

 

 

Aux Provinces-Unies

Portraits hollandais, 1635-1640

 

 

 

Les années 1640

 

 

En France

 

Dans les années quarante, la culotte est ouverte au niveau des genoux dans une amplitude qui rappelle les années 1590-1600. C'est le retour du "baggy short" (sorte de bermuda hyper large). Autant la culotte était ajustée dans les années 1630, autant elle devient flottante dans les années 1640.

1646-1648

 

Louis XIV enfant c1650 Nocret (attrib)Cette tendance caractérise les premières années du règne de Louis XIV. Elle habille ses portraits dès sa sortie de la petite enfance (image ci-dessous à gauche : extrait du portrait d'Anne d'Autriche avec ses fils Louis XIV et Philippe d'Anjou par Beaubrun, 1646, musée national de Suède)

Cette mode va se poursuivre dans les années cinquante et donner naissance à une jupe-culotte qu'on appelle rhingrave.

Louis XIV, 1643-1649

 

 

  Aux Provinces-Unies

 

La forme de la culotte reste encore très allongée mais présente une amplitude qui n'existait pas auparavant.

PB_1640-1645

 

Ici encore, la surabondance de l'iconographie néerlandaise nous permet de faire une comparaison diachronique qui met en valeur l'évolution de la tendance : entre le début de la décennie et sa fin, le changement est très perceptible.

1969_HelstVers 1640-1643

(Schutters van wijk VIII in Amsterdam onder leiding van kapitein Roelof Bicker par Bartholomeus Van der Helst, c. 1640-1643, Rijksmuseum).

Le tableau montre la diversité des coupes, des matières et du coloris.

On y trouvera ainsi une façon "habillée" de porter la culotte (répresentée ici à gauche en rouge dans une coupe ajustée assez classique), et une autre plus militaire, portée sur une botte à entonnoir et toujours décorée d'aiguillettes.

1639 Bartholomeus van der Helst, détailBien que la culotte reste encore plus ou moins ajustée, on peut  constater ici que dès le début de la décennie, la culotte peut se porter très ample.

La forme du baggy short est déjà présente (illustration ci-contre à gauche), mais elle est encore rare.

 

 

 

P_Flinck_1648_50_Schutters_van_Wijk_1_onder_kapitein_Joan_Huydecoper_RKDVers 1648-1650.

(Schutters van Wijk onder kapitein Joan Huydecoper par Govert Flinck, c. 1648-1650, Rijksmuseum)

Peint plus de cinq ans plus tard, ce tableau montre que la forme du baggy short habille désormais la plupart des officiers. Sa taille est beaucoup plus ample qu'au début de la décennie.

1648, Helst, The celebration of the peace of Münster(Banquet de la garde civile d'Amsterdam fêtant la paix de Münsterk par Bartholomeus Van der Helst, 1648, Rijksmuseum)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les années 1650

 

 

Dès le début de la décennie, les canons sont si larges que le haut-de-chausses a des allures de jupe culotte à la coupe droite. La culotte en rhingrave est née.

1650-1654

 

 

 Epilogue

 

 

La culotte en rhingrave atteint son apogée dans les années 1660. Cette mode se diffuse également aux Pays-Bas espagnols (image ci-dessous, La réception du prince de Ligne par le roi d'Angleterre ; 1660)

Duchatel_1660_Charles_II_receives_the_Spanish_Ambassador

 

Michael Korybut WiśniowieckiDans les années 1660, elle est si ample qu'elle apparaît sous la forme d'une jupe sans entrejambe (image ci-contre : Portrait de Michael Korybut Wisniowiecki, circa 1670).

Son règne ne dure qu'un temps. Dans les années 1670, l'artiste néerlandais Romeyn de Hooghe édite une série de gravure de mode qui illustre sa disparition (images ci-dessous). La rhingrave apparaît sur différents personnages masculins ; sa longueur la fait descendre jusqu'à mi-mollet. En revanche, le riche seigneur qui suit la mode de la cour, est déjà passé à un autre style (quatrième figure à droite) : il porte la rhingrave sous un justaucorps long et large qui la dissimule ; la rhingrave elle-même est plus courte. L'estampe ne permet pas de le voir, mais la rhingrave est désormais posée sur une culotte bouffante, prémices d'un nouveau départ pour la mode de la « culotte ».

 

Figures à la Mode

 

Leclerc_Sébastien_Louis_XIV_s'entretient_avec_Colbert_GallicaDevenue désuète, la culotte en rhingrave est reléguée à un usage commun. Dans les années 1680, elle est portée par les catégories socio-professionnelles moins soumises aux caprices vestimentaires.

A la cour de France, la rhingrave continue ainsi d'habiller le principal ministre Jean-Baptiste Colbert. Les images qui le représentent avec le roi Louis XIV, l'habillent toujours en « jupe ». Son habit austère et désuet est un marqueur d'identité sociale qui le renvoie à ses origines marchandes et à son statut de grand commis. Dans cette gravure de Sébastien Leclerc (image ci-contre), apparaîssent ainsi deux façons de s'habiller, l'une d'épée (à gauche), l'autre de bureau (à droite).

 

 


 

Notes et références

5. L'expression se trouve dans Le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière à l'entrée chausse : « ce sont des chausses qui sont si amples, que les plis qu'elles font naturellement, imitent les tuyaux d'orgues ».

6. Le thème est très ancien ; voir l'article consacré à ce sujet sur un blog dédié à l'estampe.

7. LELOIR Maurice, Dictionnaire du costume et de ses accessoires, des armes et des étoffes des origines à nos jours, Paris, Gründ, 2012, p. 3 et 154.

8. Au XVIIe siècle, le pantalon désigne un vêtement long (jusqu'aux chevilles) et collant. Il est à tort employé pour désigner la mode sous Louis XIII (comme dans BOUCHER François, Hist.... et dans RUPPERT Jacques,  Le cost... ).

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15 mars 2019

Culotte - XVIe siècle

Le haut-de-chausses

de type « culotte longue »

 

La culotte est un terme spécifique au XVIIIe siècle. Elle désigne à partir du règne de Louis XIV, un haut-de-chausses plutôt long, couvrant les cuisses jusqu'au-dessous du genou. Le modèle existait déjà à la Renaissance, mais n'était pas mentionné comme « culotte ».

Le mot lui-même était employé au XVIe siècle, mais ses occurences semblent assez peu nombreuses et surtout, il semble ne pas avoir la même signification 1. A la fin du siècle, il est employé dans la continuité du mot culot, ce haut-de-chausses très court qui s'arrête au niveau du fessier, le « cul » (en vogue sous Henri III). Cette origine étymologique explique que le terme « culotte » est encore employé au XVIIe siècle comme synonyme de trousse, c'est-à-dire comme chausse courte découpée en bande 2. Le terme a donc été utilisé à différentes époques pour désigner des coupes assez différentes les unes des autres.

Dans les années 1680, on parle encore de « culotte longue » 3, montrant qu'il y avait encore à cette date le besoin de préciser la dimension de la culotte pour la distinguer d'une autre, nécessairement plus courte : la trousse.

 

Culotte longue et culotte courte

En posant cette distinction, je propose de considérer deux grandes catégories schématiques de hauts-de-chausses (image ci-dessus). La première se décrit comme une forme souple, plus ou moins déstructurée, tantôt bouffante, tantôt serrée, couvrant la cuisse jusqu'au-dessous du genou. La seconde présente une forme structurée, composite et découpée en bandes, qui s'arrête plus ou moins à mi-cuisse.

EvidemmeCulotte vs troussesnt, il existe bien d'autres formes de chausses qui ne rentrent pas dans cette répartition binaire et réductrice ; plusieurs type de hauts-de-chausses coexistent simultanément et évoluent de façon corrélée. Les frontières sont parfois si tenues que les formes semblent parfois se rejoindre. La culotte présente notamment des similarités avec le « pantalon » et la chausse à la marinière (sorte de pantalon court plus ou moins flottant).

Mais dans cet article, il ne sera traité que de la culotte allongée aux genoux. La présence des guillemets permettra de rappeler que l'utilisation du mot « culotte » reste problématique pour le XVIe siècle et le début du XVIIe.

Le haut-de-chausses est l'appellation générique employé à cette époque, mais selon les coutumes locales, les formes et les style adoptés, il existait différentes locutions pour les désigner. Certaines d'entre elles sont aujourd'hui perdues, d'autres sont sujettes à caution. Elles désignent parfois la culotte par ses particularités (culotte à gros plis), ou par des analogies (culotte en gigot, en bourse, ou en tuyaux d'orgue). Ce sont aussi des noms qui rappellent l'origine géographique même si dans ce dernier cas en particulier, il est important de relativiser ces appellations qui ne sont pas forcément justifiées. Pour la culotte longue, on entend ainsi parler de chausse à la vénitienne.

 

1 - Délimitations chronologiques

 

Si l'enjeu de  cet article est de présenter les différentes tendances de la « culotte longue  », sa présentation est limitée à la période 1560 - 1660. Ce choix s’est imposé par l’enchaînement cohérent des formes qui se succèdent pendant ce laps de temps et par la disponibilité des sources iconographiques.

Beham, un lansquenet, vers 1530-40Des formes de chausses longues existaient déjà dans la première moitié du XVIe siècle. Les représentations des lansquenets suisses ou allemands en sont les illustrations les plus familières (image ci-contre : gravure de Sebald Beham, c. 1540) : ce sont des hauts-de-chausses composites, structurés en plusieurs parties multicolores, et découpés en bandes et à crevés multiples. Le panel de modèles existants est particulièrement riche, mais ce sont des formes très différentes de celles de la seconde moitié du siècle.

Veronèse, Villa Barbaro, 1562La culotte longue qui nous intéresse dans cet article présente une silhouette beaucoup plus simple. Ce qui la caractérise est sa forme indivise et non découpée, telle qu'elle se présente encore au XVIIIe siècle, soit bouffante, soit ajustée à la cuisse.

C'est dans les années 1560, à Venise qu'il faut en rechercher les premières illustrations. L'une d'elles, représentant un chasseur, a été peinte en 1562 par Paul Véronèse à la Villa Barbaro (en Vénétie) (image ci-contre). A partir de là, s'enchaîne une longue histoire de la « culotte » qui trouve son aboutissement au XIXe siècle.

La culotte en rhingrave (1669)Comme date terminus, le choix s'est porté sur les années 1650 qui constituent la période de transition pendant laquelle la culotte prend la forme d’une jupe, appelée à s’imposer dans les années 1660 sous le nom de rhingrave (image ci-contre : François Verwilt, Portret van een jongen, 1669, Rijksmuseum).

Le changement de forme est radical et ceci explique mon choix d'arrêter la présentation à cette date marquante. La mode de la rhingrave est suffisamment longue de plusieurs années pour justifier cette césure. Lorsque la culotte longue réapparait dans les circuits de la mode curiale, dans les années 1670 et 1680, c’est dans une nouvelle époque qu’elle s’inscrit.

 

2 - Considérations sociales

 

Les deux articles que je publie sont ainsi dédiés à la culotte longue des guerres de religion. Ils en parcourent les principales formes qui ont prévalues pendant un siècle. Là encore, je ne cherche pas à brosser le tableau de toute la société, mais à faire émerger les tendances d’un style prédominant, qui est généralement celui de la mode aristocratique et en particulier celui de la mode curiale. 

Georges de la Tour, Old manOn ne peut toutefois exclure d'ignorer les autres corps sociaux, car la culotte longue est un vêtement populaire, porté par le « commun ».  Du point de vue de l'histoire sociale, la culotte longue apparaît comme le vêtement alternatif aux trousses qui est son concurrent, plus noble et plus « habillé ».

Au XVIIe siècle, l'usage de la « culotte » est partagée par toutes les couches de la société. Elle apparaît souvent dans les portraits ou peintures de genre qui mettent en scène des gens du peuple (image ci-contre :  Georges de la Tour, Old man, c. 1618-19, Fine Arts Museums of San Francisco).

On la retrouve aussi beaucoup sur les gravures représentant des scènes de guerre. Au XVIe siècle, les militaires portent la culotte longue et bien que, soldats, ils ne sont pas exempts de la vanité à la porter selon la mode du temps, même s'il existe toujours un décalage de style entre la mode raffinée de la cour et celle de l'armée.

A cause de cet emploi populaire, les images de culotte longue se retrouve beaucoup moins sur les portraits nobiliaires jusqu'à ce que la tendance s'inverse dans le premier quart du XVIIe siècle. On assiste dans les années 1600-1620 à un inversement de la hiérarchie opposant culotte et trousse. Dans les années 1630, les nobles portent la culotte longue, alors que la trousse est reléguée comme vêtement de protocole, et livrée des domestiques.

 

3 - Typologies des formes

 

Cette appropriation de la culotte longue par la noblesse explique qu'on assiste à une évolution continue de ses formes, au fur et à mesure de son intégration à la mode aristocratique.

Deux formes de culottes prédominent successivement durant cette longue période : la chausse à la gigotte, pour le XVIe siècle et son opposé, la chausse en bourse pour le XVIIe siècle. La mode fonctionne par trangression des styles et par opposition des formes. A la chausse serrée et moulante, s'oppose également la chausse bouffante en tuyau d'orgue, ou à gros plis. Et à la chausse soigneusement boutonnée et maintenue par une jarretière, s'oppose la chausse ouverte aux genoux qui donnera naissance à la rhingrave. Toutes ces locutions appartiennent à la même famille. Elles désignent des formes de « culotte longue » dont elles ne sont que des sous-catégories.

 

typologie_culotte3

 

 

 

Les années 1560

 

 

Veronèse, Villa Barbaro, 1562Les années 1560 constituent la période où la culotte longue apparaît sous une forme plutôt ample et souple. C'est la ligne qui habille le chasseur peint en 1562 par Paul Véronèse à la Villa Barbaro (en Vénétie).

Le vêtement paraît facile à enfiler, et aisé à porter au quotidien. C'est la raison pour laquelle, il est employé dans les activités sportives comme la chasse.

Chausse 1546-50L'origine de cette forme est peut-être à rechercher dans les vêtements longs que les marins portent dans une longueur variant entre le mi-mollet et les chevilles :  la chausse à la marinière (ou à la marine). C'est le pantacourt d'aujourd'hui. Au XVIe siècle, sa forme est pluôt flottante, avec plus ou moins d'amplitude. Dès lors, la cité de Venise, qui a fait sa fortune dans le commerce maritime offrait un milieu privilégié pour le développement de ce type de mode.

Titien, Tarquinius and Lucretia, 1571Cette forme de chausse se retrouve dans Tarquin et Lucrecia, oeuvre peinte par Titien en 1571 (image ci-contre à droite). Tout comme le chasseur de Véronèse, il s'agit d'une peinture vénitienne. L'iconographie conforterait ainsi l'origine de cette mode et l'usage du terme « chausse à la vénitienne ».

La peinture représente la scène d'intimidation qui précède le viol de Lucrèce. Dans la violence de ses mouvements, Tarquin a défait ses propres vêtements ; son bas-de-chausse s'est détaché et détendu, sa « culotte » remonte en plis sur la cuisse.

 

Chausses à la gigotteDans les années 1560, la « culotte » suit la tendance au ballonnement qui domine la mode des trousses à cette époque.

On appelle chausse à la gigotte, un haut-de-chausses ballonné à la hauteur des cuisses, se resserrant au-dessus du genoux, moulant le bas des cuisses. Elle doit son nom à sa forme de gigot (image ci-contre).

C'est à ce type de chausse que certains ouvrages donnent le nom de culotte vénitienne. Le chasseur de Veronèse en présentait les signes avant-coureurs, ample autour des cuisses et ajustée aux genoux.

Chausses à la gigotte, extrait d'archives des ad31L'image ci-contre rappelle le contexte fratricide de cette époque. Dans cette période troublée des guerres de religion, le haut-de-chausses est aussi un vêtement fonctionnel, employé pour transporter toutes sortes d'objets interdits: tracts politiques, livres religieux et armes (image ci-contre : extraite du registre des arrêts du parlement de Toulouse de 1571-1572, archives départementales de Haute-Garonne)

 

 

 

 

Les années 1570

 

Chausses bouffantes vers 1570-75Au commencement des années 1570, le haut-de-chausses ballonné a atteint son point culminant.  

C'est ce qu'illustrent les trois peintures ci-contre qui représentent des hommes de guerre de trois pays différents. Les hauts-de-chausses qu'ils portent ont une forme ronde qui les fait rattacher à la famille des trousses.

Il ne s'agit pas d'une culotte longue, puisque le vêtement s'arrête aux deux-tiers de la cuisse et qu'il retombe de façon bouffante au-dessus du genou.

The Book of Faulconry, 1575Dans les années 1570, la culotte longue reste dominée par la forme en gigot, bien que celle-ci connaisse un déclin progressif. Cette forme ballonnée apparaît très bien sur les gravures d'illustration d'un livre anglais de fauconnerie édité en 1575 (image ci-contre, The Book of Falconry or Hawking by George Turberville, 1575).

Le haut-de-chausses à la gigotte prédomine encore la mode commune des années 1570, mais tend à s'amenuiser et à perdre de sa rotondité.

Die Sieger der Seeschlacht von Lepanto, 1571Sur le tableau de commémoration de la bataille de Lépante peint vers 1575 et conservé au Kunsthistorisches museum (image ci-contre), la « culotte » du personnage central a encore des allures de chausses à la gigotte, ample à la taille et ajustée au bas de la cuisse.

A noter que l'on reste dans le domaine de la représentation d'hommes de guerre, ici à un plus haut niveau social que les trois portraits précédents et que des trois hommes, un seul porte la trousse, c'est le prince (Don Juan d'Autriche), confortant la dimension aristocratique de la trousse.

Chausses anglaises vers 1575-1580Les trois portraits anglais présentés ci-contre appartiennent à la seconde moitié des années 70. Ils montrent l'évolution de la  « culotte » vers une ligne plus avachie.

Ils représentent un prince, le jeune Jacques Stuart (à gauche), et deux roturiers ; Martin Frobisher un marin britannique connu pour ses explorations outre-atlantique (au centre), et un géant peint pour sa taille extraordinaire (à droite).

Le portrait de Jacques Stuart témoigne que la « culotte » peut être portée par un prince. Il s'agit toutefois du portrait d'un enfant, et l'on retrouve dans d'autres portraits princiers, cette dérogation qu'ont les enfants  nobles d'être répresentés dans un vêtement plus commun que la trousse. Le jeune prince reste habillé avec beaucoup de noblesse ; il porte un vêtement plus riche et mieux agencé que les deux autres (le bonnet de cour est porté derrière la tête, le collet est boutonné jusqu'à la ceinture, contrairement aux deux autres qui laissent entrevoir le pourpoint).

 

 

Les années 1580

 

Aux Pays-Bas

 

La tendance majeure des années 80 est l'ajustement de la chausse à la forme de la cuisse. La « culotte » devient plus étroite au point de ressembler à la « culotte » moderne du XVIIIe siècle.

Cette évolution est illustrée par cette série de gravures ci-dessous ; le personnage de gauche reste habillé à l'ancienne mode ; sa culotte est encore large et flottante. En revanche, les trois autres personnages, habillés à la mode des années 1580 (fraises larges, panseron du pourpoint en pointe, et manches amples) portent une « culotte » ajustée.

 

Officiers des Provinces-Unies, années 1580

The Company of Captain Rosecrans, 1588La compagnie du capitaine Dirck Jacobsz Rosecrans est un portrait de groupe peint par Cornelis Ketel en 1588. Il représente des officiers de la garde civile d'Amsterdam, tous issus de la bonne bourgeoisie hollandaise. L'oeuvre est conservée au Rijksmuseum. Elle inaugure un art du portrait consistant à représenter des groupes d'officiers, en pied.

Tous portent une chausse couvrant les cuisses jusqu'au genou. La « culotte », est fermée sur le coté par deux boutons situés au niveau des genoux. Sa forme est légèrement flottante. Aucun de ces hommes ne portent la trousse.

 

 

En France

 

Scènes de bal à la cour des ValoisA la cour de France, la mode est au petit culot, un haut-de-chausses si court qu'il est porté sur les hanches. Il est accompagné de canons, sorte de chausses longues et étroites qui moulent les cuisses.

La mode d'associer les deux vêtements date des années 70 et se confirme dans les années 80 avec l'atrophie du vêtement ; la trousse se porte de plus en plus courte, et la chausse allongée de plus en plus ajustée.

Dans la scène de bal de la cour des Valois (images ci-contre), les gentilhommes portent des canons assortis au pourpoint, les chausses sont en effet tailladées d'une multitude de petits crevés parallèles, alignés en rangs superposés.

Portraits de princes de France et de LorraineCet assortiment du costume n'est pas propre à cette époque. Mais les documents d'archives permettent d'établir que sous Henri III, les pièces d'habit étaient commandés ensemble (pourpoint et chausses) 4. En témoignent les deux portraits en pied de deux princes français ci-contre (portraits présumés des petits-fils de Catherine de Médicis : Charles de Valois, et Henri marquis de Pont-à-Mousson).

Les canons moulants à culot se distinguent de la chausse vénitienne allongée (aux genoux). Celle-ci peut se porter sans culot, alors que les canons moulants sont indissociables du culot avec lequel ils sont cousus.

La lutte pour la culotteOn le voît sur les scènes allégoriques représentant le thème de la lutte pour la culotte (image ci-contre). La scène représente des femmes de différentes conditions sociales se disputant le vêtement, chacune voulant se l'accaparer 5.

L'objet convoitée est une culotte avec des crevés alignés, telle que la portent les gentilshommes d'Henri III dans les scènes de bal vues précédemment. Dans la partie supérieure du vêtement, on distingue la présence du culot, avec ses bandes parallèles verticales.

Chaque partie du vêtement est vigoureusement maintenue. Deux des dames tiennent respectivement un canon, une autre tient le culot, et une quatrième s'est emparée de la braguette à forme phallique.

Les belles Figures et Drolleries de la ligueA la fin de la décennie, la « culotte » est ajustée à la forme des cuisses.

C'est le type de haut-de-chausses que l'on retrouve sur les nombreuses images populaires représentant les évènements de la Sainte Union (ou Ligue catholique) qui troublèrent la vie politique française à la fin de la décennie. Sur la gravure ci-contre représentant l'assassinat du cardinal de Guise, les gardes sont représentés avec une « culotte » ajustée.

 

 

 

 

 

 

Les années 1590

 

Les années 1590 sont caractérisées par la mode du haut-de-chausses ouvert au niveau du genou.

Chausse déboutonnéeA l'origine, il s'agit d'une chausse simplement déboutonnée au bas de la jambe. Une patte de boutonnage située sur le coté permettait en effet de fixer la culotte au niveau du genou (image ci-contre).

Il est possible que cette mode soit née d'une recherche volontaire de négligence. Tout comme la mode du jeans taille basse, ou du jeans troué, la mode de la culotte desserrée procèderait d'une provocation vestimentaire destinée à créer une distinction sociale, et la naissance d'un nouveau style.

Le philosophe Montaigne évoquait déjà la conduite vestimentaire provocatrice et transgressive de la jeunesse. Par un bas de chausse mal tendu ou le port du manteau en écharpe, l'effet de négligence était déjà recherché 6

La mode est probablement apparue dans les années 1580. Son évolution dans les années 1590 consiste en une ouverture de plus en plus ample et une coupe droite, au point que les canons de la chausse finissent par former deux tuyaux.

A la fin de la décennie, la chausse se présente comme un pantalon court dans une forme proche des bermudas actuels.

La tendance est partagée par toute l'aristocratie européenne (images ci-dessous).

Chausses ouvertes, années 1590

 

Cette tendance est illustrée dans de nombreuses gravures issues des Pays-Bas. Elle habille les explorateurs outre-atlantique de Theodore de Bry, les figures allégoriques d'Hendrik Goltzius et les mascarades de Jacob De Gheyn (images ci-dessous)

Chausses ouvertes aux genoux, Goltzuis

 

La gravure ci-dessous montre les deux façons de porter le haut-de-chausses dans les années 1590. A droite, l'homme porte des canons moulant les cuisses et par-dessus des trousses. A gauche, l'homme porte cette chausse tuyautée et ouverte qui a la forme d'un bermuda.

Théodore de Bry 1598, Tortues géantes sur l’île Maurice

 


Notes et références

1. Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du 16e siècle. Il est fait mention d'un hault-de-chausse à la culote pour l'année 1515.

2. Le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière, Le Robert, Paris, 1978. « Espèce de haut-de-chausse court et serré, où l'on attache quelquefois des bas, des canons, des ringraves ». « Signifie aussi des trousses de page qui sont serrées et plissées et qui ne couvrent que le haut des fesses. C'est aussi le haut-de-chausse des chevaliers de l'ordre du saint esprit, et celuy que les gens d'armes portoient autrefois à cheval ».

3. THÉPAUT-CABASSET Corinne, L'Esprit des modes au Grand Siècle, Paris, Éditions du CTHS, 2010, p. 120, 127.

4. Jacqueline BOUCHER, Société et mentalités autour de Henri III, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque littéraire de la Renaissance », 2007.

5. Christiane Klapisch-Zuber, « La lutte pour la culotte, un topos iconographique des rapports conjugaux (xve-xixe siècles) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 34 | 2011, voir en ligne

6. Madeleine Lazard, « Le corps vêtu : signification du costume à la Renaissance », in Le Corps à la Renaissance. Actes du XXXe colloque de Tours, 1987, é, Paris, Amateurs de Livres, 1990, p. 77-94

18 octobre 2014

Portraits de personnalités barbues


L'évolution de la mode de la barbe se saisit bien lorsque sont juxtaposés les portraits d'une personne réalisés à différents moments de sa vie. C'est ce que je propose de faire dans cet article. Dans la mesure du possible, j'ai tenté de donner un exemple pour chaque décennie.

 

Années 1510 /1520

François Ier, roi de France. A son avènement en 1515, le roi François, âgé de vingt ans est un jeune prince imberbe. Quelques années plus tard, la mode de la barbe se répand dans les cours italiennes, puis gagne la cour de France. Sur son portrait de Chantilly peint à la fin des années 1510, le jeune roi arbore une legère petite barbe. Il faut pourtant attendre 1521 environ, pour que le roi porte vraisemblablement définitivement la barbe1. Dix ans plus tard, sur le portraits de Jean et François Clouet, le roi la porte fournie. 

francoisv3

 

Années 1530 /1540

Jean de Taix, seigneur de Taix. Dans les années 1530, ce jeune noble de la cour de France porte une barbe carrée. Dix ans plus tard, devenu colonel général de l'infanterie française, il porte la barbe à deux pointes (les cheveux sont coupés courts également).

Jean seigneur de Thiais

 

Années 1540 /1550

Antoine de Bourbon, roi de Navarre (père du futur roi Henri IV). Le jeune prince, qui est portraituré à l'occasion de son mariage avec Jeanne d'Albret, porte une longue barbe à deux pointes. Dix ans plus tard, devenu à la mort de son beau-père, roi de Navarre, il porte une barbe taillée et ronde.

Antoine de Bourbon

 

Années 1580 /1600

Henri IV, roi de France. L'image d'Henri IV avec sa barbe ronde nous est familière. Pourtant, le roi ne l'a pas toujours portée. Ses premiers portraits le représentent à vingt ans, imberbe. Puis, plus tard, les images qui le montrent à trente ans, le présente avec un petit bouc pointu. A quarante ans, devenu roi de France, sa barbe s'est allongée et agrandie, suivant en cela la vogue des longues barbiches. Dix ans plus tard, sa barbe est taillée en rond.

Henri

 

Années 1600 /1620

Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde (ancien mignon d'Henri III). Sous le règne d'Henri IV, ce grand courtisan de la cour de France porte, à trente ans passés, la barbe ronde caractéristique de cette époque. Vingt ans plus tard, la mode a changé ; il porte le bouc en forme de dard.

Duc de Bellegrade

 

Années 1620 /1630

Armand du Plessis, cardinal de Richelieu. A son entrée au conseil du roi (1624), le jeune cardinal porte le long bouc pointu en forme de dard caractéristique de cette époque. Dix ans plus tard, le dard s'est raccourci. Ce n'est plus qu'une barbiche pointue jointe sur le dessus par une mouche. L'ensemble est parfois appelé barbiche royale. La moustache est relevée en pointe sur les extrémités.

le cardinal de richelieu

 

Années 1630 /1650

Pierre Séguier, chancelier de France. La succession des portraits de ce grand magistrat illustre assez bien la disparition progressive de la barbe au milieu du XVIIe siècle. Au moment de sa nomination comme chancelier par le roi Louis XIII (1635), Pierre Séguier porte encore le bouc pointu. Dix ans plus tard, sa barbe s'est réduite à une ligne verticale de poils qui part de la lèvre inférieure jusqu'au centre du menton. Dix ans plus tard, il ne porte plus qu'une mouche, sorte de petite touffe de poils placée sous la lèvre inférieure.

Seguier

 

Années 1660 /1700

Louis XIV, roi de France. Le roi porte dans les années 1670 une moustache en croc qui disparait dans les années 1690. Au XVIIIe siècle, l'aristocrate est complètement rasé. 

Louis XIV

 

 


 

Notes

1. Jean Marie Le Gall, Barbes et moustaches, XVe-XVIIIe siècle, publiée chez Payot en 2011, p. 30.

12 juin 2014

XVIIe siècle (trousses)


Les trousses continuent de se porter au XVIIe siècle, bien qu'elles soient fortement concurencées par la culotte bouffante. Tendance d'une mode curiale, elles finissent par se figer comme vêtement de cérémonie et, à partir des années 1620, à tomber en désuétude. Une importante distinction peut être faite entre la mode espagnole qui règne en Europe et la mode française.

 

Les années 1600

 

En France

 

Henri IV, années 1600Dans le prolongement de la décennie précédente, les chausses continuent de s'agrandir. Elles suivent la mode espagnole en s'allongeant vers le bas, dépassant le milieu de la cuisse.

Sur le portrait ci-contre, le roi Henri IV porte une sorte de boulevard (chausse faite d'un seul tenant). Conformément à l'évolution de la tendance, sa forme est désormais plus haute que large.

L'évolution des trousses montre clairement que la mode à la cour d'Henri IV prend le contrepied des modes en vogue sous Henri III. De cette opposition des tendances, certains historiens en ont conclu hâtivement qu'il sagissait pour les contemporains d'Henri IV de réagir contre le style de vie du dernier Valois et de sa cour et d'affirmer que celle d'Henri IV était moins décadente que celle de son prédécesseur. C'est quand même rester prisonnier des clichés un peu facilement, et sous-estimer les logiques propres à la mode.


 

Gravures françaises 1602-1610

 

 

En Angleterre 

L'évolution des formes est perceptible sur la suite chronologique de portraits présentée ci-dessous : les trousses passent d'un format horizontal à un format vertical.

Portraits anglais, 1600-1606

 

 En Espagne

Au début du XVIIe siècle, l'empire espagnol reste une puissance de valeur sûre ; l'âge d'or se poursuit, en particulier dans les arts. L'influence de la mode espagnole sur l'Europe en est l'illustration. La forme très verticale des trousses s'y constate de façon précoce.

Portraits espagnols vers 1600-1605

 

 En Italie

La tendance à l'allongement des chausses est portée à son paroxysme en Italie, pays alors dominé par les Espagnols ; les trousses descendent quasiment aux genoux.

Portraits italiens, années 1603-1609

 

 

 

Les années 1610

 

En France

 

Les années 1610 sont dominées par le port de la grande culotte bouffante. Les trousses se portent toujours, mais sur le plan iconographique, elles apparaissent moins fréquemment que la culotte. L'image qui représente ci-dessous le jeune roi Louis XIII l'illustre bien. De tous les personnages qui composent sa suite, il est le seul à porter des trousses ; les cavaliers qui le suivent, portent tous, la culotte bouffante.

Déjà fortement marquées socialement, les trousses prennent une valeur de plus en plus cérémoniale. A l'origine mondaines et nobles, elles se limiteraient progressivement à une utilisation protocolaire ; sur le plan de la mode courante, c'est le parcours classique de beaucoup de vêtements en fin de "vie".

Pour un autre aperçu "statistique", voir la série de gravures de Merian, intitulée L'ordre tenu au marcher parmy la ville de Nancy capitale de Lorraine à l'entrée en icelle du serenissime prince Henry II : nobles, bourgeois, gens de justice (liens vers Gallica).

 

Louis XIII et sa cour

 

Sur la forme, les trousses reviennent à une silhouette trapézoïdale. C'est un retour en arrière. Après l'extension vers le bas des années 1600, les trousses repassent à une forme horizontale qui rappellent les trousses portées 15 ans plus tôt (voire même 40 ans plus tôt). C'est symptomatique des effets cycliques de la mode : les trousses des années 1610 sont une réminescence des années 1590, elles-mêmes réminescences des années 1570.

français années 1610

 

Le jeune roi Louis XIII porte sur les portraits ci-dessous des trousses constituées de larges bandes espacées, présentant une doublure bouffante, comme en portent traditionnellement les gardes suisses. Dans le cas présent, il s'agit semble t-il d'une fausse doublure à crevés, sous laquelle se trouve une autre doublure qui est vraie cette fois-ci. Système illusionniste qui montre l'ingéniosité des modistes de la cour pour moderniser les modèles anciens.

 

L) Louis XIII, 1611

 

Le Mariage de Louis XIIIEn revanche, sur le portrait de son mariage (image ci-contre), Louis XIII porte des trousses plus traditionnelles. Leur forme allongée rappelle celle de la décennie précédente. Les chausses sont plus hautes que larges et les cuisses sont en grande partie recouvertes.

L'image est une oeuvre de Jean Chalette. Elle a été commandée par les dignitaires de la ville de Toulouse, pour commémorer les noces du roi avec l'infante Anne d'Autriche en 1615. L'illustration témoigne du passage progressif de ce type de haut-de-chausses à une utilisation solennelle, cérémoniale, ou protocolaire. Elle témoigne aussi peut-être du maintien de l'influence espagnole en matière de mode.

 

 En Angleterre

 La mode revient également à des tailles plus courtes et des formes plus trapézoïdales.

Trousses anglaises années 1610

 

 En Europe du sud

Sur les portraits d'Espagne et d'Italie, la mode des chausses à la ligne verticale perdure.

Trousses espagnoles et italiennes années 1610

 

 

 

Les années 1620


En France

 

Dans les années 1620, les trousses se portent toujours. Les gravures de Crispin de Passe (images ci-dessous) en sont de très belles illustrations ; les gentilshommes de Louis XIII y sont représentés avec des chausses  bouffantes ou à bandes, dans des tailles qui ne dépassent pas le milieu de la cuisse. Ces gravures montrent que dans les années 1620, les trousses ne sont pas encore tout à fait passées de mode et qu'elles connaissent peut-etre à cette époque un dernier regain (par opposition aux grandes culottes bouffantes devenues par trop populaires dans les années 1610 ?).

Cour de Louis XIII vers 1620-1625

 

Par opposition à la mode espagnole, les trousses françaises gardent leur forme horizontale. L'arrête inférieure est plus arrondie et la doublure davantage rembourée ; ces dispositions donnent à la chausse une silhouette plus courbe et plus convexe (image ci-dessous).

Chausses du maréchal d'Albret vers 1620

 

Henri IV par RubensLorsque dans les années 1620, le peintre Rubens représente le roi Henri IV dans sa série de tableaux sur la vie de Marie de Médicis (image ci-contre), il fait porter à l'ancien roi des trousses dont la forme « habillée » relève plus du costume solennel que de la mode courante : la silhouette de ses chausses est carrée, le fond est plat, et comme dans les années 1600, sur le plan de la taille, le milieu des cuisses est dépassé.

Rubens n'est pas un historien ; il ne cherche pas à reconstituer la mode d'une époque (la scène représente sous une forme allégorique la transmission du pouvoir à Marie de Médicis en 1610) ; les chausses que le peintre fait porter à Henri IV sont celles que les gentilshommes français devaient porter comme "costume de cérémonie" dans les années 1620. Leur forme est plus « classique », plus « traditionnelle » (plus « espagnole » !?) que les chausses présentées ci-dessus et dont les formes sont plus arrondies.

 

 

 En Europe

 

Emmanuel Philibert de Savoie en 1624Dans les pays habsbourgeois ou sous influence habsbourgeoise, la mode semble s'être figée sur la forme. Les trousses ont encore cet aspect vertical, plat et angulaire (image ci-contre).

Cette fixation des formes montre que les trousses sont aussi bien qu'en France en passe de devenir un costume d'apparat ou de cérémonie. Peut-être, était-ce déjà le cas depuis longtemps ?!

Europe années 1620v2

 

 

 

Epilogue

 

Dans les années trente, leChausses et trousses en 1629s trousses se portent toujours mais apparaissent moins dans l'iconographie.

La gravure d'Abraham Bosse intitulée Le Jardin de la noblesse françoise dans lequel se peut ceuillir leurs manières de vettements présente les deux façons de porter le haut-de-chausses en 1629 ; on y retrouve la, culotte longue (personnage de gauche) et les trousses accompagnées des canons (personnage de droite).

Dans le second quart du XVIIe siècle, les trousses se figent et deviennent un uniforme ou un vêtement de protocole.

C'est le cas des pages. La trousse devient la livrée des domestiques et va le rester pendant tout le XVIIe siècle.  On la voît sur les illustrations des années 1630 (première image de gauche ci-dessous) comme celles des années 1690 (dernière image à droite).

Valets années 1630Valets années 1660

Valets années 1660

 1692_Largillere_James Francis Edward Stuart, Prince of Wales2 - Copie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur les portraits d'apparat des rois en costume de sacre (ci-dessous Louis XIII et Louis XIV).

Louis XIII et Louis XIV

 

Henri_d'Orléans_Duc_de_LonguevilleLes trousses continuent également à être portées dans les grandes cérémonies officielles. Elles font partie de la tenue d'apparat des chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit.

Les trousses apparaissent sur l'image (ci-contre à gauche) dissimulées sous les épais manteaux de l'ordre.

Aussi voit-on Louis XIV et les membres de l'ordre du Saint Esprit les porter encore dans les années 1660, au cours d'une cérémonie (ci-dessous).

Louis XIV 1660

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Article de 2013 modifié en 2014.

18 février 2014

Pogonologie aux XVIe et XVIIe siècles


A la Renaissance, la barbe et la moustache sont des aspects incontournables de la mode masculine. Après une fin de moyen age très glabre, la barbe revient en force dans les cours européennes. Le changement s'opère dans les dernières années de la décennie 1510. Il touche d'abord la noblesse qui pour se distinguer des hommes du peuple mal rasés, porte une barbe pleine, fournie et entretenue. Puis au fur et à mesure des décennies, par des processus d'imitation sociale, la mode gagne le clergé et les hommes de loi qui l'avaient d'abord rejetée et condamnée.

Les formes qui se déclinent pendant le XVIe siècle sont diverses (carrée, ronde, en pointe, épaisse, taillée, rase, etc.). Au début du XVIIe siècle, la barbe se porte sous l'aspect d'un bouc et d'une barbiche puis elle finit par disparaître durant la première moitié du Grand Siècle. La moustache lui survit jusque dans les années 1670.

Cet article a pour but d'en faire une petite présentation schématique. N'est donné ici qu'un cadre global de la mode pilaire des gentilshommes, celle que suivent les courtisans et jeunes élégants de la cour de France.

Barbes et moustaches XVe-XVIIIe sièclesCet article servira d'introduction à d'autres publications. Je reviendrai pour présenter en détail les modalités de transformation de la barbe et tenter d'évoquer la diversité des pratiques. Pour toute référence sur le sujet, je signale l'excellente étude de Jean Marie Le Gall, intitulée Barbes et moustaches, XVe-XVIIIe siècle, publiée chez Payot en 2011. Le lecteur y trouvera une cascade d'exemples, sur la manière dont était ressentie la barbe à cette époque, sur son rôle social, sa condamnation par les religieux, son caractère subversif, son aspect politique, etc.

Evolution de la barbe et de la moustache aux XVIe et XVIIe siècles

 

 

Les années 1530 : la barbe carrée

 années 1530 : la barbe carrée

Les années 1540 : la barbe à deux pointes

années 1540 : la longue barbe à deux pointes

 Les années 1550 : la barbe ronde

années 1550 : de la barbe ronde à la barbe taillée

Les années 1560 : de la moustache tombante à la grande moustache relevée, de la barbe taillée à la barbe rase

années 1560 : la barbe taillée et la grandee moustache

 Les années 1570 : du bouc à la mouche

années 1570 : grande moustache relevée / du petit bouc au toupet au menton

 Les années 1580 : de la barbichette au grand bouc

années 1580 : de la barbichette au grand bouc

 Les années 1590 : du long bouc pendant à la grosse barbe touffue

années 1590 : le grand bouc pendant à la grosse et longue barbe

Les années 1600 : la barbe ronde (et la moustache toujours relevée)

années 1600 : la barbe ronde

Les années 1610 : du petit au grand bouc pointu

années 1610 : la petite barbe pointue

 Les années 1620 : le grand bouc pointu en forme de dard

années 1620 : le long bouc pointu

Les années 1630 : la barbiche à la royale (et la moustache toujours relevée)

années 1630 : la barbiche à la royale

 

12 juin 2013

Le couvre-chef à la Renaissance


C'est un exercice périlleux que de vouloir présenter une typologie générale du couvre-chef à la Renaissance. Dans l'état de nos connaissances, la terminologie reste encore parfois confuse. Par ailleurs, la dimension sociale des différents types de couvre-chefs et leur fonction restent encore à étudier. On aimerait connaître pour chacun d'entre eux leur degré de tendance, et savoir déterminer leur fonctionnalité, qu'elle soit sociale ou professionnelle.

De fait, la présentation que je fais du couvre-chef dans cet article ne donne que les grandes lignes générales. Le lecteur n'aura du couvre-chef qu'un aperçu schématique. L'article ne permettra pas de saisir toute la diversité des modes européennes à une date précise. La présentation en détail des différentes tendances sera faite ultérieurement.

Par souci de carté, la présentation est découpée selon les trois grandes périodes qui sectionnent traditionnellement la Renaissance française.

I)   1480-1500

II)  1500-1550

III) 1550-1600

IV) Autres types de couvre-chefs

 

I

La Prémière Renaissance

1480-1500

 

Le bonnet (ou la barrette)

Le bonnet désigne les coiffes souples sans bord. Dans la seconde moitié du XVe siècle, il se porte dressé en hauteur, avec une structure qui permet de le maintenir droit. A la fin du siècle, le bonnet revient à des proportions plus simples, toutefois la structure demeure. Celle-ci apparaît à travers le tissu sous forme de quatre légers plis (notez toutefois que ces plis n'apparaissent pas, ou peu, sur les portraits italiens). Cette armature qui donne une forme au bonnet, devient une mode et sera à l'origine du bonnet carré au XVIe siècle (voir partie IV).

L'autre aspect de la mode est celui du bonnet rebrassé1 (deuxième ligne de portraits ci-dessous). C'est un bonnet dont les bords sont en partie retournés. C'est ce qui donne naissance à la toque.

Le bonnet de 1460 à 1490

Le bonnet rebrassé

 

Le chapeau de feutre

Le chapeau de feutre est un chapeau dont la matière fibreuse et la forme sont façonnés au moyen d'une technique de compression. Le chapeau de feutre peut être doublé par une autre matière (fourrure, velours, etc.). Il peut être décoré par des bouquets de plumes, des aigrettes, des bijoux d'orfèvrerie ou des enseignes. Il existe une grande diversité de formes dont voici, ci-dessous, les principales. Ces couvre-chefs se portent encore au XVIe siècle.

Les chapeaux de feutre

   

 

II
La Haute Renaissance

1500-1550

 

La toque

 

La toque désigne un bonnet avec des bords relevés. Elle apparaît à la fin du XVe siècle (notamment sous le nom de bonnets rebrassés). La toque est l'accessoire phare de la Renaissance. Au commencement du XVIe siècle, elle présente un aspect déjà structuré, c'est-à-dire qu'une structure lui confère une forme régulière.

Evolution de la toqueJusque dans les années 1580, l'aspect de la toque va connaître une évolution continue.

Au début du XVIe siècle, la calotte gonfle et se dote de quatre pointes. Cette tendance donne naissance à des couvre-chefs très volumineux. L'accent se porte alors sur les bords du bonnet. Une pièce de bordure retroussée est rajoutée frontalement au-dessus du visage.

Dans les années 1520, la mode est aux bords larges. Les bords du bonnet sont développés au point de cacher complètement la calotte. Cela explique que cette dernière s'efface.

Dans les années 1530, la calotte s'affaisse et devient plate ; c'est la mode de la toque à fond plat. Les bords de la toque se font plus modestes et dans les années 1540, c'est l'ensemble du couvre-chef qui se fait plus petit. La mode des bords retroussés décline. Ces derniers deviennent étroits et sont affaissés.

Si l'évolution des formes générales de la toque permet de connaître la mode à une époque donnée, elle ne rend pas compte de ses variations typologiques au temps présent. De fait, pour chaque décennie, on peut observer trois façons différentes d'organiser la toque : on trouve la toque avec l'ajout d'un revers sur la partie frontale, la toque sans revers frontal, et la toque avec le rebord frontal tailladé.

C'est donc par souci de clarté que j'ai illustré ci-dessous l'évolution de la mode, par répartition en trois ensembles parallèles :

 

1- Le bonnet à bord relevé

Le bonnet à bord relevé

2 - Le bonnet à bords relevés (le même que le précédent mais avec un bord supplémentaire placé devant la calotte)

Le bonnet à bords relevés

3 - Le bonnet à bords relevés et tailladés (le même que le précédent mais avec les revers découpés en entailles)

Le bonnet à bords tailladés

 

 

 III
La Renaissance tardive

1550-1600

 

La toque

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, la toque prend l'aspect d'un bonnet à petit bord, froncé et bouffant. Il se détermine peu à peu comme un vêtement de la cour et à la fin du siècle, il finit par se figer comme accessoire de cérémonie.

La toque de 1550 à 1600

 

Le chapeau de feutre

Le chapeau de feutre présente des formes nouvelles qui ne sont pas sans rappeler certains couvre-chefs de notre époque comme le canotier, le chapeau melon, ou encore le haut-de-forme. Il peut également être en cuir. Le chapeau qui domine la fin du XVIe siècle est le chapeau à haute calotte et à large bord. On parle parfois de chapeau albanais.

Les chapeaux de feutre

 

 

IV
Autres types de couvre-chefs

 

Dans cette partie sont regroupés les couvre-chefs qui sont communs à toutes les périodes de la Renaissance, qui sont sortis des circuits de la mode aristocratique et mondaine, ou qui en sont toujours restés à l'écart (chapeaux liés plus spécifiquement à des catégories socio-professionnelles).

 

La barrette

La barrette est un bonnet doté d'une armature. Au XVe siècle, c'est une mode de cour, mais au XVIe siècle, elle est reléguée comme accessoire d'uniforme des hommes de robe : universitaires, docteurs, hommes de loi et hommes de Dieu, prêtres, cardinaux, etc. (les images présentées ci-dessous sont des portraits de cardinaux, ce qui explique la couleur pourpre de leur barrette). La forme de la barrette ne se fige pas. Vers 1500, le bonnet est déjà structuré par une armature. Comme la toque, la barrette prend du volume et se dote de trois ou quatre pointes. C'est la mode du bonnet carré.

La barette

 

Le calot

Le calot est un bonnet qu'on peut nouer sous le menton par une lanière. Il est souvent porté en-dessous d'un chapeau.

Le calot

 

Le chaperon

Le chaperon est la coiffe emblématique des XIVe et XVe siècles. Bien que totalement abandonné par la mode de la Renaissance, il subsiste encore au XVIe siècle, ça et là, comme vêtement de cérémonie (comme l'uniforme de l'ordre de la toison d'or), ou vêtement caractéristique d'une appartenance socio-professionnelle.

Le chaperon

Le chapeau de paille

Le chapeau de paille est un incontournable depuis l'Antiquité. La largeur de ses bords n'est pas sans rappeler les pétases portés par les Grecs antiques. A la Renaissance, il continue d'être porté dans les campagnes ; il apparaît souvent dans les images représentant les scènes de vie paysanne (l'image ci-dessous présente un chapeau de paille porté sur un calot).

Le chapeau de paille


Notes

1. VENIEL Florent, Le costume médiéval de 1320 à 1480, la coquetterie par la mode vestimentaire XIVe et XVe siècles, Bayeux, Heimdal, 2008, p. 134-137.

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Le costume historique
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