La collerette
La collerette est un terme générique utilisé pour désigner les cols plissés. Au cours du XVIe siècle, elle apparaît sous la forme d'une fraise.
I XVIe siècle
L'évolution de la fraise dans la mode masculine :
Dans la mode féminine, la fraise suit une évolution quasi-similaire :
Dans la mode féminine, la collerette proprement dite suit un chemin parallèle :
II XVIIe siècle
Au début du XVIIe siècle, les gentilshommes de France et de l'Europe du Nord de l'Europe portent la fraise à confusion :
A) Evolution détaillée de la fraise (pour homme)
Tableau synoptique de l'évolution de la fraise dans la mode masculine de 1550 à 1600.
Les origines
La fraise est née du ruché du bord de la chemise (ruché = ce qui est froncé).
Le ruché de la chemise se développe dans le courant des années 1530 et 1540.
Il devient particulièrement important dans le courant des années 1550. Mais les plis restent très petits. Il est donc très délicat pour les peintres de l'époque de les représenter sur les portraits. Certaines images sont donc à prendre avec prudence.
En 1555, le ruché déborde largement du col. Mais il reste encore librement froncé.
Ce serait à la fin des années 1550 que les fraises godronnées auraient fait leur apparition. Selon F. Boucher, les premières sont fabriquées en Europe du Nord. Mais très vite, elles se répandent dans toute l'Europe occidentale.
En voici un exemple avec le portrait d'un homme fait en 1558. Par l'emploi d'un fer et de l'amidon (colle), les plis de la fraise commencent à adopter une forme ovoïde bien régulière.
Les années 1560
En France
De manière générale, on trouve sur les portraits des années 1560, deux types de collerettes, la collerette ouverte qui a les deux pointes écartées et la collerette fermée qui a les deux pointes qui se rejoignent sous le menton. C'est cette dernière qui va donner naissance à la fraise.
Plusieurs évolutions se remarquent sur les portraits. Premièrement, la collerette ouverte tend à s'effacer face à la collerette fermée. Comme l'épanouissement d'une fleur, elle s'échappe de l'encolure, s'ouvre et s'étend sur les côtés puis disparaît des portraits masculins dans la seconde moitié de la décennie.
Deuxième évolution importante, les godrons s'agrandissent : ils prennent de la hauteur. A une ou deux années près, on peut presque suivre leur évolution sur les portraits.
En Italie
En Europe du Nord
Sur les portraits d'Europe du Nord (Pays-Bas et Angleterre), la collerette a tendance à rester plus longtemps ouverte. Elle se rencontre encore sous cette forme dans la seconde moitié de la décennie (ce qui est moins le cas des portraits français et italiens).
En Angleterre
La collerette anglaise présente plusieurs particularités. La plus importante est qu'elle présente parfois deux rangées de godrons superposés (image ci-contre et première rangée de portraits ci-dessous).
Par ailleurs, les godrons apparaissent sur les portraits sous une forme ovoïde importante, et ce, dès la fin des années 1550. Autre caractéristique de la mode anglaise, leur rebord sont souvent brodés (du moins, davantage que sur les portraits français).
Les années 1570
Les années 1570 constituent en France la phase la plus aboutie de l'épanouissement de la fraise. Dans la première moitié de la décennie, elle poursuit son développement en hauteur avec des godrons des plus en plus grands puis ensuite elle s'étale progressivement en largeur, faisant reposer la tête sur un bloc de plis amidonnés. Elle devient plus que jamais un élément ostentatoire de la mode que chacun individualise par l'ajout de dentelle et de godrons échancrés tantôt dentelés et évasés.
Dans la seconde moitié de la décennie, c'est en largeur que la fraise s'étend, jusqu'à sa maturité en 1578 :
Vers 1578 :
On remarque la même évolution à l'étranger, notamment en Angleterre de 1576 à 1579 :
Les années 1580
La grande fraise godronnée continue de se porter durant toute la décennie 1580. Après les excès de dentelle des années 1570, la fraise se présente sans passement dans un ton uni immaculé.
Il faut noter que face à la mode du col rabattu qui la concurrence de plus en plus, la fraise se porte surtout par les gentilshommes français pour les grandes occasions.
Dans le courant des années 1580, les godrons de la fraise s'aplatissent. Ils passent d'une forme verticale à une forme horizontale.
A l'approche des années 1590, la fraise apparaît plus fréquemment sous la forme d'unefraise à la confusion.
Il s'agit d'une fraise librement froncée, présentant un enchevêtrement de plis au lieu d'un alignement de tuyaux bien réguliers.
Les hommes de robe et de lettres portent une fraise bien évidemment plus modeste en largeur :
Les années 1590
Les années 1590 constituent un tournant pour la fraise puisqu'elle perd du terrain face à la mode du col et que ses formes se diversifient.
Si trois types de fraise se rencontrent dans les années 1590, la tendance générale est à la réduction ; la fraise se fait moins large. La grande fraise est abandonnée ...
1) La fraise à la confusion : elle continue de présenter un enchevêtrement complexe de plis (ci-contre).
2) La grande fraise classique : si les godrons continuent de garder une forme plus ou moins horizontale et écrasée...
... ils tendent à perdre de leur rigidité. De fait, la fraise tend à se confondre avec la fraise à la confusion.
3) Sous le règne d'Henri IV, on revient également sur les formes que la fraise avait au milieu des années 1570. Il s'agit d'une fraise d'aspect plus traditionnel à godrons verticaux et réguliers. Popularisée par les images d'Epinal qui représentent Henri IV, c'est le type de fraise que le roi porte sur ses portraits des années 1590.
Ce tableau flamand (ci-contre) illustre les trois formes de fraises pouvant être rencontrées dans les années 1590 (avec des variantes propres à la mode flamande).
A l'étranger, on observe cette même réduction de la fraise à la confusion.
La fraise à la confusion (XVIIe siècle)
Au XVIIe siècle, deux modes de fraise se font concurrence. Il y a d'un côté la fraise classique à godrons, principalement portée dans les pays sous influence espagnole et de l'autre, la fraise à la confusion présentant plusieurs rangs de plis superposés et enchevêtrés les uns dans les autres, et qui est principalement portée dans les pays d'Europe du Nord.
Selon les goûts et les modes, la fraise à la confusion a adopté des formes différentes ; la galerie de portraits placée ci-dessous, présente les grandes phrases de sa transformation : réduction du diamètre, multiplication des plis, élargissement du diamètre et affaissement sur les épaules.
A la mode dès les années 1580, ce type de fraise semble s'imposer au XVIIe siècle, en particulier dans les années 1620, période pendant laquelle elle apparaît sur un grand nombre de portraits. Elle finit par disparaître, du moins pour la France, après 1630.
Ci-dessous, la fraise à la confusion au summum de son succès (portrait d'un Hollandais vers 1627) :
Les années 1600
En France
Au commencement du siècle, la fraise à la confusion se caractérise par son étroitesse. La forme qu'elle présente constitue l'achèvement d'une tendance qui depuis les années 1580 rétrécissait sa circonférence.
Elle se différencie également des modes précédentes par ses enchevêtrements de plis de plus en plus épais et denses.
La mode étant un phénomène constamment en mouvement, la fraise devait évoluer dans le sens contraire de la tendance précédente ; avant 1600, elle se réduisait, après 1610, elle s'élargit (on remarque ce même processus de réduction puis d'agrandissement, avec la mode du col rabattu entre 1630 et 1660).
Les années 1610
En France
Dans le courant des années 1610, la fraise à la confusion continue de s'élargir et de s'épaissir. Elle forme désormais à la base de la tête un bloc compact qui semble la maintenir solidement.
A la fraise montée sur armature, succède une fraise directement posée sur le toit des épaules.
C'est l'époque de la régence de la reine Marie de Médicis. La mode française n'est pas encore tout à fait libérée de l'influence espagnole ; concurremment à la fraise à la confusion, la fraise à godrons se rencontre encore beaucoup sur les portraits (un article lui sera un jour consacrée).
Les années 1620
En France
La fraise poursuit son affaissement sur le toit des épaules. Ses plis retombent toujours plus loin vers le bas.
Dans la seconde moitié de la décennie, ils forment comme un cône sur lequel serait plantée la tête. Cette forme connaît un grand succès dans la seconde moitié des années 1620.
Après 1630, cette mode s'étiole et s'éteint. La fraise à la confusion disparaît alors complètement des portraits français.
NB : Cet article est la reprise d'un article publié le 1er novembre 2008 (et supprimé)
La fraise à la confusion en Europe du Nord (XVIIe siècle)
Dans les pays d'Europe du Nord voisins de la France, la mode de la fraise à la confusion présente des évolutions similaires. Toutefois, on remarquera que les modes ne sont pas toujours au même stade de mutation et que des différences notables apparaissent dans les formes. Voici quelques élements qui permettent de distinguer un portrait anglais ou hollandais d'un portrait français...
Les années 1600
En Angleterre
Dans les années 1590, la fraise anglaise avait la particularité de se présenter sous la forme d'un bol au fond duquel émergeait la tête. La fraise des années 1600 garde des souvenirs de cette forme qui en Angleterre est très prononcé sur les portraits.
Aux Pays-Bas
Au regard de la mode française, les fraises hollandaises accusent un retard très prononcé ; elles sont encore larges et constituées de grands plis.
Le portrait d'un botaniste hollandais placé ci-contre et daté de 1603, présente un exemple parfait de fraise à la confusion désuète et au regard de la mode française complètement démodée.
Les années 1610
En Angleterre
Dans les années 1610, la fraise anglaise a encore une forme en bol, mais peu à peu, comme en France, ses plis s'affaissent.
La fraise anglaise a pour originalité d'être souvent ouverte sur le devant, laissant apparaître les lacets qui permettent de l'attacher autour du cou (exemple ci-contre et deuxième ligne de portraits ci-dessous). C'est une caractéristique qui existait déjà sur les portraits anglais du XVIe siècle.
La fraise est également influencée par la collerette que portent les dames anglaises et qui présente la particularité d'avoir des plis courts et tombant sur le devant et de monter haut derrière la tête. Cette originalité marque les portraits anglais jusqu'au début des années 1620 (voir les deux dernières lignes de portraits ci-dessous).
Aux Pays-Bas
Les années 1620
En Angleterre
Comme en France, les plis de la fraise retombe sur le toit des épaules. Ils s'effrondrent jusqu'à se rabattre verticalement le long du cou.
Au terme de la décennie, la fraise à la confusion ne connaît plus d'évolution.
Aux Pays-Bas
Les Pays-Bas ont l'originalité de présenter deux modes de fraise à la confusion.
La première présente un épais entassement de plis, large et massif comme on en trouvait auparavant en France et en Angleterre. Les habitants des Provinces-Unies poursuivent cette mode en lui donnant un aspect volumineux (première ligne de portraits ci-dessous).
La seconde est la mode courant en France et en Angleterre, celle plus moderne qui présente des plis retombant sur le toit des épaules (deuxième ligne de portraits ci-dessous).
Le portrait de droite, daté de 1629, présente une fraise qui semble être le résultat de fusion des deux modes.
Les années 1630
En Angleterre, la fraise à la confusion finit par devenir désuète. Elle apparaît encore ici et là sur quelques portraits, avant d'être définitivement remplacée par le grand col rabattu.
En revanche, aux Pays-Bas, la fraise à la confusion poursuit plus que jamais sa carrière. Le portrait de groupe placé ci-dessous montre la place prépondérante qu'occupe encore la fraise à cette époque. Daté de 1632, le tableau a l'intérêt de présenter les trois types de col et de collerette alors à la mode : la fraise à la confusion étalée sur les épaules (1), le grand col rabattu (2), la haute fraise à la confusion qui, désuète, est portée par le plus âgé des trois personnages peints (3).
Sur les portraits des années 1640, la fraise n'apparaît plus qu'autour du cou des vieillards (exemple ci-dessous) :