Le haut-de-chausses
Les chausses sont les éléments du costume masculin qui habillent la partie inférieure du corps, des hanches jusqu'aux pieds. Ce sont en quelques sortes les bas du moyen âge.
Pour le XVIe et XVIIe siècles, le mot haut-de-chausses désigne la partie supérieure des chausses.
Au cours de son évolution, le haut-de-chausses se décline sous plusieurs formes. Nous n'entrerons pas dans le détail des appellations ; le sujet reste encore très incertain. Mais, par souci de clarté, on peut ranger le haut-de-chausses en deux catégories :
- les chausses rembourrées et structurées allant à mi-cuisse et qui sont très souvent formées de bandes ou de crevés ; c'est le type de haut-de-chausses qu'on associe le plus couramment à la noblesse. Selon les formes rencontrées, on le désigne par les mots grègues, culot, lodier, boulevard et trousses.
- les chausses recouvrant les cuisses de la ceinture aux genoux (au-dessus ou en-dessous) et qui présentent le plus souvent un ensemble plutôt lâche et non structuré ; pour les désigner, on utilise selon les formes, les mots chausse à la gigotte, chausse bouffante, chausse à gros plis, chausse en bourse, et culotte. Au XVIIe siècle, elles supplantent les trousses.
Les origines
Début du XVIe siècle
Le haut-de-chausses est une mode qui s'est particulièrement développée dans l'espace germanique.
A son commencement, il ne se différenciait du bas-de-chausses que par la couleur ou la présence des crevés (petites entailles parallèles qui laissent entrevoir l'étoffe blanche) :
Les bas-de-chausses tenaient alors avec des jarretières :
Le haut-de-chausses pouvaient également être composé de petits bourrelets superposés (eux-aussi décorés de crevés).
Exemples ci contre avec le portrait de Charles Quint et ci-dessous :
Sous François Ier, les balbutiements de ce type de haut-de-chausses sont contrebalancés par la saie, sorte de tunique qui descend en plis au-dessus des genoux.
C'est une mode qui vient des paletots (ou jaquettes) que les hommes portaient sous Louis XII :
La saie se présente comme une tunique composée d'une jupe à tuyaux. Elle est généralement ouverte sur la poitrine, formant une sorte de "v" ou de "u" qui descend jusqu'à la ceinture.
Elle cache par ses plis tuyautés, les chausses que les hommes portent en dessous. En revanche, elle laisse découvrir la proéminente braguette qui caractérise cette époque.
On retrouve la saie sur le fameux portrait de François Ier peint par Clouet vers 1527. Entre la chamarre et le pourpoint chatoyants du monarque, elle apparaît difficilement au premier coup d'oeil du spectateur :
On peut la voir reconstituée sur le montage que j'ai présenté sur un autre blog.
Les années 1540
La mode masculine des années 1540 est marquée par la mise en valeur du haut-de-chausses. La jupe masculine (la saie) est raccourcie. La tendance de l'époque l'a progressivement rendu désuète. Le lourd manteau ne tombe plus en-dessous des genoux et les basques du collet (partie inférieure située sous la ceinture) sont raccourcies. Au niveau inférieur de l'habit, l'attention se porte désormais sur le haut-de-chausses.
S'il existe une variété importante de haut-de-chausses du point de vue de la composition formelle, celui qui prédomine sur les portraits est celui constitué de bandes verticales et d'une étoffe bouffante qui le rembourre de l'intérieur. Les bandes sont relâchées, permettant à la précieuse et délicate étoffe d'être exhibée à travers les larges ouvertures laissées entre les bandes (image ci-contre : Anonyme italien, Portrait d'Alessandro Alberti et de son page, détail, c. 1545, National Gallery of Art).
L'exhibition de l'étoffe à travers les bandes est ce qui caractérise les années 1540.
Les années 1550
Au milieu du siècle, la mode masculine est marquée par la mise à nue des cuisses. Le haut-de-chausses se présente très court et laisse à découvert une très grande partie des membres inférieurs. La tendance se constate sur les portraits des années 1540, mais prédomine au milieu du siècle. Le haut-de-chausses devient sobre, tant par sa taille que par sa composition. Par opposition à la mode précédent, l'étoffe intérieure se fait plus discrète.
Dans cette recherche, la mode semble abandonner le style exubérant des hauts-de-chausses composites, à bandes mutilples et à sens variées.
La silhouette générale est allongée. L'ensemble, jambe et cuisse mises à nue et l'abaissement de la ceinture qui allonge le torse contribue à cette ligne verticale que vient contrebalancer le manteau.
Cette ligne est partagée par les grandes cours européennes. Elle habille le roi Henri II et les princes de sa famille sur les portraits du début des années 1550 (première ligne de portraits ci-dessous) et se retrouve, à la même période, sur les portraits des princes de la maison de Habsbourg (deuxième ligne de portraits représentant le futur empereur Maximilien et son cousin le futur Philippe II d'Espagne).
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Evolution de la tendance
Sur ces deux portraits présumés d'Henri de Navarre (ci-contre à gauche), futur roi Henri IV (1553-1610), apparaissent deux modes complètement opposées. Le portrait de gauche appartient tout entier à l'ancienne mode. Le haut-de-chausses représenté est celui qui était tendance durant les années 1530-1540.
Le second portrait à droite, traditionnellement daté de 1557, appartient au nouveau style (que ce soit au niveau du pourpoint ou des haut-de-chausses). Le jeune prince porte les chausses découpées en bandes, avec un ballonnement prononcé de tissu blanc qui en fait toute son originalité. C'est ce ballonnement qui sera à l'origine des formes hypertrophiées des années 1560.
Cette tendance se retrouve sur le portrait d'Henri II de France par François Clouet.
En le comparant avec les portraits vu précédemment, peut s'observer un volume légèrement plus important. Les bandes semblent plus larges et bien qu'elles soient relativement détendues, l'ensemble présente un léger ballonnement (image ci-contre).
Cette tendance se retrouve sur les portraits des autres cours européennes ; le haut-de-chausses grossit en taille :
Les années 1560
La mode des années soixante amplifie les tendances apparues pendant la décennie précédente : accroissement et extension (au niveau des dimensions), ballonnement (au niveau de la forme), et dédoublement des bandes (au niveau de la composition).
En se développant, le haut-de-chausses réagit en symétrie à l'hypertrophie des mancherons qui était de mise sous François Ier. Les trousses focalisent les regards au niveau des cuisses, à l'opposé de la mode ancienne qui mettait l'accent sur les épaules. Entre la génération des années trente et celle des années soixante, le changement de ligne est radical. Elle fait de la trousse la pièce maîtresse de l'habit masculin.
Le développement du haut-de-chausses a pour conséquence son accroissement en volume et son extension le long du corps.
La trousse double son volume et dépasse désormais le milieu de la cuisse. Elle retombe au-dessus du genou avec une contenance accrue.
C'est la principale évolution des années soixante : un rembourrage plus important.
Ce gonflement a pour effet le dédoublement des bandes qui forment la partie extérieure du haut-de-chausses. Dans les années quarante, les trousses sont formées de quatre bandes verticales de taille assez large et plutôt relachées.
Avec la tendance au ballonnement, les bandes sont plus petites et plus nombreuses. De quatre bandes, le haut-de-chausses passent à une vingtaine.
Ce qui caractérise également le style des années soixante c'est sa forme quasi-sphérique. Cette tendance apparaissait déjà dans les années cinquante. Mais avec le renforcement du rembourrage, le haut-de-chausses apparaît comme deux énormes ballons.
Sa taille fait presque oublier la proéminente braguette. Celle-ci disparaît déjà entre les bandes. Bientôt, elle sera passée de mode et laissée au placard. C'est la dernière génération à la porter. Ceux qui l'avaient exhibé dans leur jeunesse, vont bientôt la désavouer. Michel de Montaigne en parle, s'étonnant qu'il ait pu lui-même par le passé céder à cette tendance en train de devenir ridicule.
Ce qui donne désormais de la virilité à l'homme, c'est - avec la moustache - la grosseur de ses chausses. Serait-il outrancier de dire qu'une concurrence semble s'établir pour celui qui a les plus volumineuses ?!
Au cours de la seconde moitié des années 1560, le haut-de-chausses atteint son extension maximale. Il est si volumineux que les hommes peuvent y cacher des outils, des livres, et des armes. Dans le contexte des guerres de religion, le haut-de chausses devient l'icone d'une période dominée par les affrontements. Le portrait ci-contre en est l'illustration. J'ai souhaité souligner par un cercle bleu la forme ovale du vêtement, mais ce qui apparaît finalement au premier regard, c'est la dague placée à l'intérieur.
Le col
Le col est la pièce de tissu placée au bord de l'encolure, couvrant ou entourant le cou. Il fait souvent partie intégrante de la chemise.
C'est une pièce de vêtement très ancrée dans la mode de la Renaissance et du Grand Siècle. Le col fait son apparition dans la première moitié du XVIe siècle. Il se présente à l'origine avec des bords froncés, puis dans la seconde moitié du siècle, il s'impose sous la forme d'un col rabattu (ou collet renversé). Devenu à la fin du siècle un véritable phénomène de mode, il ne va pas cesser de changer de taille et de forme : au XVIIe siècle, on le voît successivement s'agrandir, se soulever, s'étaler sur les épaules, se rétrécir et finalement s'allonger (on parle alors de collet monté, de rotonde, de collet à rabat et de rabat). Agrémenté de dentelle, il devient un objet de luxe et de raffinement, obligeant les autorités à publier des édits somptuaires pour en limiter les excès.
Dans le courant des années 1660, le col est progressivement remplacé par la mode de la cravate. Le rabat continue de se porter mais sans vraiment connaître d'évolution. Il se fige et devient un uniforme de certaines catégories socio-professionnelles comme celles des ecclésiastiques et des hommes de robe (officiers de justice, etc.).
Tableau synoptique de la mode du col à rabat de 1600 à 1670.
Il s'agit d'un tableau de portraits essentiellement français (6/28 sont des portraits d'Europe du Nord).
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(ensemble d'articles en cours de réécriture. Publication prévue au plus tard au 01/01/2022)
Au début du XVIe siècle :
Au début du XVIe siècle, la mode masculine est au décolleté. Les hommes portent un décolleté large allant jusqu'à faire apparaître les clavicules.
Par temps froid, l'encolure du vêtement peut être garnie par une bande de pelleterie (c'est-à-dire en fourrure) qu'on appelle létice (images ci-contre).
Dans les années 1520, la mode du décolleté décline. Il cède la place à un col montant qui cache et protège le cou (à droite) :
Les années 1530-1540 :
C'est au début des années 1530 qu'on aperçoit sur les portraits les marques de naissance du col rabattu. Un fragment du col montant se renverse sur le devant. Le col rabattu se présente donc à l'origine comme une sorte de col cassé.
On le voit ici sur ces deux portraits de Charles Quint ; c'est encore très discret (image ci-contre) :
En Italie, sur ce portrait d'un luthiste peint par Pontormo vers 1529-1530.
Le rabat du col montant devient légèrement plus important au tournant des années 1540 (à droite). Le col montant devient le col renversé ou le col rabattu.
Les années 1550 :
Dans les années 1550, le col rabattu a la taille que nous lui connaissons aujourd'hui. Il est particulièrement visible, car il se détache du costume sombre et austère qui est propre à ces années (image ci-contre : portrait de Charles Quint assis peint par Titien en 1548, Alte Pinakothek de Munich).
Le col rabattu est également porté en France. Si l'on en juge sa présence sur les portraits des gentilhommes de la cour d'Henri II, il devient l'une des grandes tendances de cette époque. Sur ses portraits officiels, le roi ne porte plus que ce type d'ornement, abandonnant le petit col en fraise qui se voyait encore sur ses portraits au début de son règne.
Si la forme du col rabattu semble prédominer la tendance, il apparaît qu'une nouvelle ligne fasse son entrée à la fin de la décennie :
En effet, plusieurs portraits présentent un rabat plus ou moins relevé. Le col n'apparaît pas rabattu le long du cou, mais suspendu en appui sur le revers du collet ou du pourpoint (image ci-contre, portrait au crayon de François de Montmorency). Cette forme est davantage présente sur les portraits des années 1560, mais quelques exemples de portraits de la décennie précédente (quoique non datés de façon précise), permettent de fixer le départ de cette mode à cette époque (images ci-dessous).
Les années 1560 et 1570 :
En France
Les années 1560 et 1570 sont marquées par la tendance de la fraise, mode triomphante qui met le col blanc sur le banc de touche pendant un long moment. Sur leurs portraits, les gentilhommes arborent désormais la collerette.
Le col blanc ne disparaît pas pour autant. Il apparaît encore sur un certain nombre de portraits et l'on peut constater dans les collections de portraits qu'il habille surtout les " hommes de métier " plutôt que des courtisans.
En effet, le col se remarque surtout sur les portraits des hommes de guerre, des hommes de lois, des hommes de Dieu, et des hommes de sciences (ci-contre, portraits du pharmacien Pierre Quthe et du médecin Jacques Daléchamps).
Dans la continuité de la tendance de la décennie précédente, le col est disposé déployé au-dessus du col de l'habit, les bords retombant dans le vide au-dessus des épaules (galerie ci-dessus).
Toutefois, sur la plupart des portraits, en particulier pour les années 1570, le col présente de façon homogène, une ligne assez classique, rabattu le long du cou. Le col rabattu n'est plus une tendance ; il se fige dans une forme standard.
Officiers militaires
(images ci-dessous, portraits de l'amiral de Coligny et du maréchal de Montmorency)
Magistrats
(Guy du Faur de Pibrac conseiller d'état, et du chancelier Michel de l'Hospital)
Hommes d'Église
(ci-dessous, portraits de l'évêque de Verdun et du cardinal de Lorraine)
Les années 1580
En France
La prédominance de la fraise et sa taille extravagante amènent inévitablement la mode à se réorienter vers une esthétique plus sobre. Le col rabattu fait son grand retour sur les portraits des gentilshommes de la cour. Peut-être faut-il y voir dans ce regain, le renouveau spirituel de l'époque (la Contre-Réforme) qui amène les nobles, à la suite du roi Henri III, à présenter un style vestimentaire plus sevère. Il est également possible d'y voir l'influence du style italien dans une cour qui est très éprise de culture italienne (langue, arts, théâtre, etc.).
Le premier à donner l'exemple est le roi de France lui-même. Les gravures qui diffusent son image dans les années 1580 le représentent principalement avec un col blanc rabattu. Le premier portrait qui marque ce changement de style date de 1580 (image ci-contre ; portrait de Henri III par Thomas de Leu et Jean Rabel, 1580, BnF). A partir de cette époque, le col rabattu devient l'un des ornements privilégiés des gentilshommes de la cour (sans pour autant que soit abandonnée la fraise, en particulier dans sa forme à la confusion).
Cette appropriation du col rabattu par la cour entraîne automatiquement le départ d'une mode évolutive dont les déclinaisons vont s'enchainer sur une période très longue qui va durer pendant 80 à 90 ans.
Cette évolution peut s'observer sur les portraits du roi Henri III : sur les premiers portraits du roi vers 1580, le tombant est étroit et replié sur le cou. Dans les portraits plus tardifs, le rabat est plus large et déployé au-dessus du col (image comparative ci-contre).
De sorte qu'il est possible de distinguer à travers l'étude d'un corpus de portraits, plusieurs types de cols. Pour les années 1580, je propose d'en distinguer 5. Mais la présentation que j'en fais est purement catégorielle ; elle ne saurait correspondre à une réalité évidemment plus nuancée. Par ailleurs, les formes présentées demeurent spécifiques aux catégories sociales qui ont les moyens de se faire tirer le portrait. Elles ne prennent pas en compte les formes populaires moins empesées.
Enfin, un point commun semble les distinguer de la génération de cols précédents : l'absence de décoration en passementerie. A partir des années 1580, le col a pour caractéristique d'être - en France - d'un ton blanc uni.
- Type n° 1 : le modèle classique
C'est le col rabattu dans sa forme la plus classique. C'est le modèle standard tel qu'il est porté dans les années 1560 et 1570. Désuet, il est peu présent sur les portraits des années 1580 (image ci-contre ; portrait de Philippe Strozzi par Pierre Dumonstier vers 1580, Weissgallery). La tendance de cette époque lui préfère une forme courte et fermée qui produit un effet plus sévère (voir le type n° 3), ou sa version plus moderne, aplatie en pointe sur la poitrine (voir le type n° 4). Il apparaît parfois sur les portraits gravés des hommes illustres de ce temps mais ce sont des modèles de représentation plutôt stéréotypés qui ne sont pas forcément le reflet du réel (galerie d'images ci-dessous représentant Biron et trois chefs ligueurs : Guise, père et fils et Mayenne).
Bien que quasi absent des portraits, ce modèle standard est important pour comprendre les autres formes, la tendance étant toujours déterminée par rapport à ce modèle, soit dans la continuité, soit dans l'opposition.
- Type n° 2 : le col en dentelle
C'est la même forme que le col précédent, mais avec de la dentelle en reticella et des bords en dents. En France, c'est un modèle assez rare. Il ne semble pas avoir été une tendance vestimentaire marquante. Parmi les crayons de la Bibliothèque nationale de France, les portraits où il apparaît, ne sont pas plus de 6 ou 7 (1ère galerie de portraits ci-dessous). Sur l'ensemble de la collection, il ne représente vraiment qu'un faible pourcentage. Par ailleurs, les rares portraits qui l'arborent, semblent appartenir à une période très limitée ; ceux qui sont datés, le sont du tout début de la décennie.
Le fait que ce style se trouve beaucoup sur les portraits anglais (voir les portraits anglais plus loin) oriente les recherches vers la mode outre-Manche. Faut-il considérer, cette tendance comme ayant un caractère proprement "anglais" ? C'est une piste, mais il en existe une autre. Dans la gravure française, le rabat en dentelle a la caractéristique d'habiller uniquement les hommes de guerre. L'association de ce modèle avec les représentations en armure semble systématique (2ème galerie de portraits ci-dessous).
C'est d'ailleurs avec ce type de portrait militaire que le roi de Navarre, chef du parti protestant en France (et futur Henri IV), a été représenté (image ci-dessus). Il est significatif que le col en dentelle n'apparaît pas du tout sur les portraits du roi de France, Henri III, homme de bureau et d'intérieur, tandis que le roi de Navarre, qui le portait, était l'un des principaux chefs militaires de son temps.
- Type n° 3 : le col étroit aux pointes rapprochées
C'est le type de col que portent les prêtres et les hommes de lettres (du moins tel qu'il apparaît dans les portraits ; galerie d'images ci-dessous). Sa petite taille et sa forme étriquée produisent cet air grave et sevère qui caractérise cette catégorie socio-professionnelle.
C'est avec cette forme de col que le duc de Nevers, Louis de Gonzague se fait représenter (image ci-contre ; portrait d'atelier de Bernardino Campi, Dorotheum, vente de juin 2020). Connu en France pour son engagement dans la reconquête catholique, ce prince dévot a laissé le souvenir d'un homme réfléchi et rigoureux, hostile aux superfluités de la cour et des mignons qui l'animent.
C'est également ce type de rabat que porte Pantalon, le vieillard avare et ridicule de la Comedia dell'arte, sur cette image peinte vers 1580 (image ci-contre en extrait : Scène de la Commedia dell’Arte, circa 1580, Artcurial, 2013). Sur la partie droite du tableau, le galant jeune homme porte toujours autour du cou la fraise. Celle-ci garde en ce début des années 1580, son caractère d'élégance et de modernité vestimentaire.
- Type n° 4 : le col aux pointes orientées vers la poitrine
C'est une tendance qui va à contre-courant du type précédent. Les bouts du rabat tombent en pointe sur la poitrine, dans une ligne assez triangulaire, plus ou moins ostentatoire. C'est le modèle dit pelle à tarte, dénomination employée au XXe siècle, notamment pour désigner la tendance des années 1970 (image ci-contre ; portrait d''Henri III, Vente de Pousse Cornet Valoir, Vente de 2020).
C'est la mode vestimentaire la plus couramment représentée dans les collections de portraits (sélection d'images ci-dessous). Qu'il s'agisse de peinture ou de crayon, ce modèle prédomine dans les années 1580. Cette hégémonie iconographique nous laisse supposer qu'il est la principale tendance de cette époque.
C'est avec cette forme que sont représentés les trois frères Guise sur le tableau conservé aujourd'hui au château royal de Blois (image ci-contre ; Les trois Guise). Au temps de la Ligue catholique, ce type de rabat est en passe de devenir le modèle standard par excellence.
- Type n° 5 : le col déployé aux pointes écartées
A la fin des années 1580, quelques rares portraits présentent des rabats aux pointes écartées, orientées sur le coté, donnant l'effet d'une ligne horizontale. C'est le point de départ d'une mode qui va durer plusieurs décennies.
Cette tendance est abondamment illustrée par l'iconographie du roi Henri III (image ci-contre en extrait : portrait d'après Dumonstier, musée Narodowe). A l'origine, il s'agit d'un rabat dont les tombants sont simplement déployés au-dessus du col, les pointes retombant légèrement recourbées et retroussées.
En Angleterre
L'utilisation de la dentelle et de motifs de passementerie s'observait déjà sur les fraises anglaises des années 1550 et 1560. Force est de constater que pour les années 1580, cette façon reste une caractéristique typiquement anglaise. Là, où les portraits français présentent des rabats amidonnés, unis d'un blanc impeccable, les portraits anglais offrent une diversité de modèles très chargés.
Par ailleurs, le rabat anglais se distingue de la mode française par une largeur plus importante, lui donnant un aspect pelle à tarte plus prononcé.
Les années 1590
En France
Cette série de quatre portraits appartient à la galerie des illustres du château de Beauregard. Elle représente les hommes d'Henri III passés au service d'Henri IV après l'assassinat du roi en 1589 (Biron père, d'O, le maréchal d'Aumont et Biron fils). Chacun d'entre eux porte un type de col différent. Le premier, porté par le vieux Biron, présente la forme la plus classique, pliée et rabattue sur le cou (voir le type n° 1 des années 1580). Le second, porté par François d'O, ancien mignon du roi, présente le rabat en déploiement comme il peut se remarquer sur la plupart des derniers portraits d'Henri III. Enfin, les deux autres présentent le modèle pelle à tarte selon les deux tendances du moment ; l'une - pointes en bas - arrive à son terme (voir le type n° 4), et l'autre - pointes écartées - portée par le jeune Biron, est en cours de développement (voir le type n° 5).
Cette diversité des modes se retrouve sur le tableau du musée Carnavalet représentant une procession de la Ligue à Paris vers 1590 (image ci-contre, en extrait). Dans la foule, en arrière plan, sont représentées juxtaposées les deux principales formes pointues du col au début des années 1590, l'une orientée vers la poitrine (le type n° 4), et l'autre, plus moderne, orientée sur les cotés (le type n° 5). Un troisième personnage, en tête de procession, représentant un homme d'Eglise, probablement un prêtre, porte le col fermé aux pointes rapprochées (le type n° 3).
- le col à pointes orientées vers la poitrine (voir le type n° 4 des années 1580)
Dans les années 1590, c'est une mode en fin de parcours, mais qui s'observe encore sur les portraits. Sa particularité est que le rabat est plié à l'arrière du cou mais déployé devant, aplatie sur la poitrine. Elle présente donc une pliure plus ou moins marquée sur le coté. Le rabat est comme "cassé". Cet effet est renforcé avec la rigidité du col selon le degré d'amidonnage de celui-ci.
- le col à pointes écartées (voir le type n° 5 des années 1580)
Le rabat aux pointes écartées domine la mode des années 1590. Elle naît de l'écartement des pointes (1ère ligne de portraits ci-dessous).
Au fil des années, elle est marquée par le développement des tombants qui deviennent de plus en plus large. Cette tendance se poursuivra dans les années 1600 où elle atteindra son faîte.
La collerette
La collerette est un terme générique utilisé pour désigner les cols plissés. Au cours du XVIe siècle, elle apparaît sous la forme d'une fraise.
I XVIe siècle
L'évolution de la fraise dans la mode masculine :
Dans la mode féminine, la fraise suit une évolution quasi-similaire :
Dans la mode féminine, la collerette proprement dite suit un chemin parallèle :
II XVIIe siècle
Au début du XVIIe siècle, les gentilshommes de France et de l'Europe du Nord de l'Europe portent la fraise à confusion :